Résumé : La question du logement des étudiants apparaît comme une composante d’un ensemble de réflexions qui doit être appréhendé dans un double cadre plus vaste : celui de la condition étudiante dans la France contemporaine et sans doute également au sein des pays membres de l’Union Européenne. Après avoir été longtemps captives d’une dizaine de sites universitaires historiques, les populations étudiantes constituent désormais, pour les villes universitaires françaises qui les accueillent, un enjeu concurrentiel de tout premier ordre. Et ce, dans le cadre d’un accompagnement long qui débute avec leurs années d’études – avec l’offre de services qui s’y greffe (santé, culture, activités sportives, transports, loisirs et logements…) – jusqu’à leur insertion dans la vie professionnelle. Avec à la clé, la question de l’accès à l’emploi, question bien entendu décisive, qui évolue elle aussi très fortement… Pour illustration, la ville de Grenoble compte aujourd’hui 53 000 étudiants, soit 12,6% de la population totale. Rappelons en outre que le nombre d’étudiants accueillis dans une ville est intégré dans le caclcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF) reversée par l’Etat aux collectivités territoriales.Comme l’analyse M. Bellivier, dans son rapport consacré aux relations entre les collectivités territoriales et les étudiants, « L’amélioration des conditions de vie des étudiants n’est pas qu’une nécessité, c’est aussi une chance pour les collectivités territoriales de réfléchir et de mettre en œuvre de véritables politiques d’intégration économique et sociale de ce que seront leurs futures forces vives (…) Les collectivités territoriales, et les villes en particulier ont à se saisir des conditions de vie des étudiants pour les fixer, les centrer sur un statut citoyen au premier sens du terme ». Ces configurations nouvelles semblent d’ailleurs donner lieu à l’émergence de coalitions de cause composites entre des acteurs multiples publics-privés, dont on ne connaît pas précisément « la vision du monde » en termes de rationalité politique, de projets pouvant ou non faire consensus, ainsi qu’en termes de financements ad hoc à mettre en place. Ce qui pose en creux, la question du leadership dans la conduite de cette politique publique dans les territoires.Les pouvoirs publics se sont bien évidemment saisis de la question du logement étudiant. A la demande du premier ministre, le député de Saône-et-Loire Jean-Paul Anciaux a remis en janvier 2004 au Ministère de la Jeunesse, de l’Education Nationale et de la Recherche à celui de l’Equipement, des Transports, du Logement, du Tourisme et de la Mer, un rapport national sur « le logement étudiant et les aides personnalisées ». Cette expertise publique préconise la mise en œuvre de plusieurs mesures concrètes d’amélioration de la vie étudiante, favorisant le logement de cette population.Dans le nouveau paysage universitaire tel qu’il se dessine depuis le début des années 1980, la question étudiante peut également être appréhendée comme un marché, ainsi que comme la source d’enjeux concurrentiels forts, entre métropoles françaises, européennes ou américaines désireuses de conserver leur rang dans le concert international. Entre 2001 et 2004, les groupes américains Laureate Education (1,7 milliard de dollars). Formation et enseignement supérieur sont liés à l’attractivité des territoires. La question étudiante est reformulée au rythme de la mondialisation. Il s’agit désormais de faire venir les populations étudiantes les plus légitimes chez soi : l’étudiant choisi par opposition à l’étudiant subi. Les universités françaises et européennes sont, par conséquent, conduites à tenir compte des effets de concentration, dans le cadre de politiques régionales intégrées (par exemple le cas des clusters mis en place par la région Rhône-Alpes), mais également dans celui des pôles de compétitivité lancés récemment par l’Etat. Le rapport Saraswati prévoit une intensification de cette compétition mondiale. Comment se situe la France dans cette compétition alors que les experts critiquent le recrutement d’un trop grand nombre d’étudiants étrangers faiblement qualifiés, pendant que les universités anglo-saxonnes sont plus sélectives ?Nous nous attacherons donc à questionner le sujet du logement étudiant, selon quatre axes :- Les transformations à l’œuvre dans la condition étudiante contemporaine,- Les logiques actuelles du logement étudiant,- La réalité architecturale attachée à ce concept,- L’européanisation du marché étudiant et ses conséquences sur la question de l’hébergement.