Abstract de conférence
Résumé : Introduction. L’engagement au travail correspond à un état d’esprit positif et épanouissant vis-à-vis du travail, caractérisé par la vigueur, le dévouement et l’absorption (Schaufeli et al., 2002). Le workaholism est une pathologie liée à un besoin excessif et incontrôlable de travailler (Robbinson, 1998) afin d’assouvir des tensions internes désagréables (Spence & Robbins, 1992). La relation entre ces deux concepts a récemment suscité l’intérêt de plusieurs chercheurs mais les résultats sont souvent différents voire contradictoires. Il est généralement conclu que ces concepts se distinguent au niveau de la capacité à se désengager du travail, du type de motivation à travailler et de leurs conséquences. Le but de cette étude est de tester cette relation à partir d’un échantillon de travailleurs à hautes responsabilités. Méthode. Notre échantillon se compose de 108 travailleurs du secteur privé, la plupart ingénieurs: 75 responsables de projet, 61 d’équipe. Ils ont rempli le Work-Bat de Spence et Robbins (1992) et l’UWES de Schaufeli et al. (2002). Résultats. 1. Le Work-Bat, échelle majoritairement utilisée dans la recherche sur le workaholism, ne semble pas fiable ; la valeur de l’alpha du facteur «implication au travail» est en-dessous du seuil minimal requis. De nombreux chercheurs ont eu ce même problème (e.g. Russo & Waters, 2006). D’autres n’ont pas su confirmer le modèle tridimensionnel du Work-Bat (e.g. Kanai et al., 2002) et d’autres encore ont démontré que ce facteur ne mesure pas exactement le concept d’implication au travail (e.g. McMillan et al., 2002). Ce résultat alimente donc la controverse existante et remet en question les recherches sur le workaholism ayant évalué ce concept avec cette échelle. 2. A l’inverse d’autres études, l’engagement au travail et le workaholism sont significativement corrélés (-.20). La corrélation est faible et négative, toutefois, elle démontre qu’il ne s’agit pas de concepts totalement indépendants. D’une part, l’étude montre qu’ils s’opposent sur plusieurs points tels que le plaisir, le dévouement et l’absorption dans le travail. D’autre part, elle montre aussi qu’il y a plus de liens entre eux que ce que la littérature scientifique laisse imaginer ; elle révèle que les travailleurs engagés, comme les workaholics, se sentent contraints à travailler par des pressions internes. L’engagement ne s’expliquerait donc pas que par la dimension du plaisir mais aussi par une dimension de l'ordre de la compulsion. Ce résultat encore jamais relevé dans la littérature souligne un lien plus important entre les concepts car leur distinction repose principalement sur la compulsion, la capacité de se contrôler. En outre, l’étude montre que l’engagement au travail peut prédire le workaholism avec 20% de variance expliquée et que le workaholism peut prédire l’engagement au travail avec 55% de variance expliquée. Ces pourcentages sont surprenants pour des concepts considérés comme distincts. Discussion. Nos résultats mettent en évidence que l’échelle la plus utilisée dans la recherche sur le workaholism n’apparait pas comme consistante et que la relation entre workaholism et engagement au travail est plus robuste que ce que les précédentes études ont démontré jusqu’à présent. Les discussions porteront aussi sur les répercussions possibles des caractéristiques propres à notre échantillon sur les résultats obtenus.