par Petit, Pierre
Référence ARSOM, Bruxelles
Publication Publié, 2004
Direction d'ouvrage
Résumé : Faisant suite à un premier ouvrage (Ménages de Lubumbashi entre précarité et recomposition, 2003), ce second volume collectif de l’Observatoire du changement urbain apporte un nouvel éclairage sur les dynamiques sociales de la métropole katangaise au départ du thème de l’alimentation : en ces temps difficiles, le commerce et la consommation des byakula (aliments, en swahili) préoccupent intensément les citadins. Sur les septante ménages constituant notre échantillon, trois seulement déclarent n’avoir jamais ressenti les effets de la disette, njala… Même si plusieurs chapitres sont consacrés à la question de la précarité alimentaire et de la malnutrition, cette recherche ne se focalise pas sur les aspects les plus morbides de la problématique. Un des résultats inattendus de l’enquête, réalisée à la fin de l’an 2000, est que la dégradation de l’assiette alimentaire est nettement moins prononcée que ne le donnait à craindre l’effondrement économique du Congo. En effet, les citadins ont rapidement développé une série de pratiques pour pourvoir à leurs besoins de base, en termes d’approvisionnement notamment : l’économie informelle et le micro-commerce alimentaire ne se sont jamais aussi bien portés. Mais s’il n’y a pas à proprement parler « urgence » alimentaire à Lubumbashi, les préoccupations de cet ordre sont devenues la source d’un stress permanent, comme en témoignent les disputes lors de repas jugés insuffisants ou l’emploi récurrent de maximes et d’hyperboles centrées sur la nourriture, qui élèvent par exemple le plat de base (le bukari de maïs) au rang de « Dieu sur terre ». On aurait néanmoins tort de réduire le champ alimentaire à une arène où chacun se battrait pour assurer sa survie ou celle de son ménage. Car ce champ est aussi le lieu de prédilection des échanges, dans le cercle familial et au-delà. C’est aussi un domaine fortement lié au loisir – surtout quand on l’envisage sous l’angle de la boisson ¬–, qui donne lieu à la convivialité et à l’entretien de réseaux de solidarité. C’est enfin un espace où se restructure en permanence la trame des liens sociaux et symboliques. La manière dont évoluent les rapports de genre autour du repas, les positionnements variés de nos informateurs par rapport aux interdits alimentaires (« traditionnels » ou chrétiens), l’accession de certains plats au rang d’emblème ethnique, tous ces éléments et bien d’autres plaident pour une approche dynamique de l’alimentation, qui ne peut être pleinement comprise ni à travers ses seuls aspects biologiques, ni comme un simple « reflet » de la société : c’est plutôt un lieu privilégié au départ duquel hommes et femmes construisent leur propre monde.