Résumé : Le service écosystémique de pollinisation, principalement réalisé par les abeilles, améliore la production d’environ 1/3 des cultures à l’échelle mondiale. Or, ce service essentiel est soumis à de fortes pressions causées par plusieurs sources anthropogéniques telles que l’intensification agricole, l’agriculture industrielle intensive et le changement climatique. Les pratiques agricoles respectueuses des pollinisateurs, que propose l’agroécologie, consistent en une réponse à ces pressions et permettent d’assurer un service de pollinisation et des rendements stables. Bien que ces pressions et leurs conséquences aient reçu une certaine attention en Occident, peu d’initiatives se sont concentrées sur l’étude des pollinisateurs indigènes en Afrique de l’Est et les effets des pressions qu’ils subissent. En Afrique de l’Est, la valeur annuelle de ce service pour trois cucurbitacées (concombre, courge et pastèque) est estimée à plus de 200 M de dollars américains. Il est dès lors capital d’étudier, d’une part, la composition de ces communautés de pollinisateurs et d’autre part, les effets de la gestion agricole sur ces communautés vitales pour la production vivrière de cucurbitacées à Morogoro, en Tanzanie. De plus, ce travail enquête sur l’état de la transition agroécologique à Morogoro à travers des entretiens menés selon une approche inspirée des sciences sociales, la méthodologie Q.De mai à juin 2023, nous avons réalisé un échantillon de 3404 abeilles récoltées à Morogoro et avons évalué l’influence de la gestion agricole et de l’altitude sur les communautés composant cet échantillon. Nous avons aussi mené une enquête sociologique auprès de 17 acteurs (Agriculteurs, vendeurs de fruits et légumes locaux, académiques) impliqués dans la transition agroécologique à Morogoro.Nos résultats montrent qu’il n’y a pas d’effet significatif de la gestion agricole sur l’abondance et la richesse spécifique des pollinisateurs. Il y a cependant un effet significatif de l’altitude sur l’abondance dans les cultures de pastèque et un effet significatif de la composition du paysage sur la richesse spécifique extrapolée. Nous avons aussi identifié au moins 15 espèces qui visitent les trois cucurbitacées étudiées. Enfin, notre enquête révèle un consensus parmi les acteurs interrogés sur le fait que l’agroécologie améliore la biodiversité et que les abeilles jouent un rôle essentiel dans la pollinisation des cucurbitacées. Cependant, les pollinisateurs sauvages suscitent moins d’intérêt.