Résumé : Le conflit interne colombien a, souvent, retenu l’attention internationale au fil de ses évolutions – et surtout de son enlisement. En 2012, les organisations internationales se félicitent d’un nouvel espoir, la construction de la paix semble s’annoncer à la Havane, et cette fois-ci aux côtés d’associations et de mouvements féministes : le gender mainstreaming pourrait bien témoigner de son efficacité. Pourtant, le 2 octobre 2016, la paix est annulée. La population colombienne, invitée à voter, a semblé préférer la poursuite d’une lutte réelle, physique et meurtrière pour s’assurer de ne jamais voir s’annoncer le début d’une guerre morale – et supposée. Soupçonnée d’être dissimulée dans les Accords de Paix, l’idéologie du genre est devenue l’un des arguments centraux de la résistance conservatrice. Pendant près de trois mois, un ensemble de représentant.e.s politiques conservateur.rice.s s’est efforcé de mettre en évidence la menace de la perspectiva de genero, conquise par les organisations féministes intégrées aux débats. L’investissement de ce concept dans le discours politique colombien témoigne de la pérennisation du pouvoir d’une actrice historiquement hégémonique, l’Église Catholique. Aux côtés de leaders évangéliques, les conservateur.rice.s ont réussi à subvertir le genre, devenu ennemi de la paix. Cette recherche concrétise l’analyse d’une fabulation, de son introduction historiquement située à sa poursuite dans une réalité, qui nous est bien moins éloignée. Face à la multiplication – et au succès – de mouvements similaires à celui connu par la Colombie en 2016, il apparaît essentiel, et urgent, de comprendre comment ces (contre)mobilisations religieuses intègrent la scène politique et réussissent à entraver les requêtes contemporaines d’égalité entre les sexes, et les sexualités.