Résumé : La criminalité organisée se présente sous diverses formes et le trafic illicite des biens culturels en est l’une d’entre elles. Cependant, ce sujet n’avait jamais été traité politiquement par les institutions européennes. En 2021, ce sujet a été mis à l’agenda de la “stratégie de l’Union dans la lutte contre la criminalité organisée”. L’objectif de cette étude est de déterminer quels sont les acteurs et quel processus ont permis au trafic illicite des biens culturels d’être mis à l’agenda des institutions européennes. Pour cela, nous sommes partis de la question suivante : « La sécuritisation a-t-elle permis au trafic illicite des biens culturels d’être mis à l’agenda européen ?». Nous nous sommes basés sur la théorie de la “sécuritisation” des «critical security studies» qui nous permet d’analyser cette mise à l’agenda du trafic illicite des biens culturels et de déterminer les raisons qui ont conduit la Commission européenne à produire un plan d’action. Pour répondre à cette problématique, nous avons réalisé au cours du mois de mai 2022 des entretiens avec des personnes travaillant directement ou indirectement sur le sujet. Nous avons aussi analysé de la documentation primaire, notamment les études demandées par la Commission européennes sur ce sujet, ainsi que et les avis reçus suite à l’appel à contribution du plan d’action. Cette démarche qualitative nous a permis de cibler les acteurs impliqués, d’analyser l’évolution des recommandations faites par les études de 2011 et 2019 et d’obtenir des informations pertinentes par des personnes directement concernés par ce sujet. L’analyse des résultats montre que la “sécuritisation” a permis au trafic illicite des biens culturels d’être mis à l’agenda. En effet, la “sécuritisation” du trafic illicite de biens culturels a été possible grâce à la reconnaissance d’un lien entre le financement du terrorisme et le marché de l’art. Cette mise à l’agenda a été initiée à la suite d’un lobbying interne réalisé par des personnes influentes au sein du Conseil de l’Union européenne. Par ailleurs, la présidence française du Conseil de l’Union européenne en 2022 a également fait du trafic illicite des biens culturels l’une de ses priorités. La Commission européenne, avec son rôle d’exécutif des institutions, a décidé de répondre à la demande politique par la création d’un plan d’action. Enfin, nous avons observé que par sa forme politique, le plan d’action a renforcé les actions destinées à aider les forces de l’ordre des États-membres et non les acteurs du marché de l’art. En effet, l’objectif des États-membres est de protéger leurs intérêts nationaux. À partir de ces conclusions, nous pouvons affirmer que le trafic illicite de biens culturels a fait l’objet d’une “sécuritisation” de la part d’élites au niveau européen. Cette “sécuritisation” a eu lieu grâce à la reconnaissance du lien entre ce trafic et le financement du terrorisme.