Résumé : La dispersion des graines et du pollen est importante pour comprendre le cycle de reproduction/régénération d’une espèce. En réduisant la densité de population, l'exploitation forestière sélective pourrait affecter les populations d’espèces à grande valeur économique non seulement en perturbant le processus de pollinisation, mais également en augmentant la consanguinité et la dérive génétique affectant ainsi le potentiel de régénération. C’est notamment le cas de l’ébène (Diospyros crassiflora), un arbre des forêts africaines matures à croissance très lente, dont les graines sont dispersées par les grands mammifères, et exploité pour la qualité de son bois dans la fabrication des guitares. Ce travail vise à comprendre le cycle de reproduction/régénération, et mettre en évidence l’impact de la défaunation sur la dispersion des gènes de l’espèce. Pour cela, nous avons caractérisé les schémas la dispersion des graines et du pollen, analysé la structure génétique et la structure génétique spatiale, la diversité et différenciation génétique à Yoko. Ensuite nous avons comparé la dispersion des gènes de Yoko à des données de deux sites du Cameroun (Kompia et Dja), l’un situé dans une forêt appauvrie en faune et l’autre avec une faune quasi intacte. Nous avons utilisé 17 marqueurs microsatellites pour génotyper 182 adultes et 80 juvéniles dans la parcelle forestière de Yoko de 400 hectares en RDC. L’analyse de la structure génétique pour la population de Yoko a montrée deux clusters génétiques bien différenciés en sympatrie, Yoko-K1 et Yoko-K2. Nous avons formulé l’hypothèse qu’il s’agirait de deux espèces au sens biologique du terme. Une diversité génétique plus élevée pour les populations du Cameroun que celle de RDC a été observée. Des taux d’immigration des gènes plus importants à Yoko-K2 qu’en forêt de Kompia ont été obtenus. Selon le modèle de voisinage, la dispersion des graines était leptokurtique pour Yoko-K2 et Kompia, avec une distance moyenne de dispersion des graines (ds) = 226 m à Yoko-K2 plus faible comparativement à Kompia ds = 1886 m. La dispersion du pollen était par contre moins étendue pour les deux populations avec une distance moyenne de dispersion du pollen (dp) = 59,46 m à Yoko-K2 et dp = 237 m à Kompia. NMπ a estimé un taux d’autofécondation nul à Kompia et un taux étonnamment élevé à Yoko-K2 (14 %) pour une espèce dioïque obligatoirement allogame. On observe plusieurs signes d’une diminution importante de la dispersion des graines dans ces deux populations dont la faune a été fort impactée par l’Homme. Le succès reproducteur des arbres était positivement lié à leur diamètre à hauteur de poitrine (dbh) dans les deux populations, hormis le succès reproducteur mâle à Yoko-K2 qui n’a pas eu d’effet sur le dbh à puisqu’il y a eu trop peu de cas où les deux parents ont été identifiés.