Résumé : A l’ile Maurice, de plus en plus de petits producteurs de cannes à sucre abandonnent leurs terrains chaque année. Cette tendance remet en partie en question la capacité du pays à atteindre ses objectifs nationaux de production qui couvrent à la fois des coûts fixes à assurer mais aussi une stratégie énergétique misant fortement sur la biomasse dans sa politique climatique. Une recherche qualitative empirique a été effectuée auprès de secrétaires et de membres de coopératives de petits producteurs de canne à sucre Fairtrade à l’ile Maurice. Douze interviews ont été réalisées et ont permis de procéder à une analyse thématique reposant sur le codage des données. Les objectifs étaient de déterminer les moyens par lesquels ces coopératives contribuent à soutenir les modèles de production de ces petits planteurs et les stratégies de regroupements mises en place pour arriver à cette fin. En effet, la problématique soulevée était que si ces coopératives avaient comme objectif de permettre à leurs membres de continuer la culture de canne à sucre, les possibilités qui leur étaient offertes pouvaient potentiellement remettre en cause leur capacité à conserver leurs pratiques traditionnelles et leur rapport à leur terre. De fait, d’autres acteurs de l’industrie sucrière considèrent que ces organisations sont des moyens pertinents pour obtenir des économies échelles ou permettre des regroupements de terrains, une condition nécessaire pour mécaniser les opérations traditionnellement manuelles.Or, il se trouve que les 10 coopératives sélectionnées ne sont pas allées dans ce sens. Notre analyse montre que ces sociétés mettent en place des moyens permettant d’atténuer les pressions auxquels leur membres font face, mais n’ont pas adopté de stratégies de regroupement qui changent fondamentalement leurs pratiques dans les champs. Les coopératives permettent avant tout d’offrir une variété de services et une vie collective à leurs coopérateurs, une dimension qui encourage certains membres à continuer leur culture. De plus, il se trouve que la certification Fairtrade a permis dans la plupart des cas de renforcer et de diversifier ces services et de favoriser les interactions entre membres et les décisions collectives. Cependant, les restrictions liées au label exercent une pression sur certains membres plus âgés, sont parfois difficiles à suivre, mais permettent en général l’adoption de meilleures pratiques environnementales. Les apports de la prime Fairtrade posent néanmoins question sur les dynamiques à long termes des coopératives. En effet, cette dernière attire régulièrement de nouveaux membres, ce qui n’est potentiellement pas sans conséquence sur la cohésion, les intérêts des groupes, et entre autres les risques, liés à l’hétérogénéité des membres, qu’elle pourrait générer. Cette étude est aussi l’occasion d’insister sur la multiplicité des modèles de « petits planteurs » et qu’il serait dans l’intérêt du secteur d’adapter les solutions proposées à chaque type de besoin. Ceci implique aussi qu’il y a des coopératives plus adaptées à chaque type de producteur, et que si les coopératives Fairtrade peut être des moyens efficaces pour soutenir différents petits planteurs, il est important aussi de souligner leur diversité et d’identifier les objectifs que chacune d’elles vise à atteindre.