Résumé : Les températures élevées influencent considérablement la vie des organismes vivants à travers le monde, en impactant le fonctionnement et l’homéostasie de leurs cellules. Or, les fourmis du désert du genre Cataglyphis, des charognards thermophiles, ont acquis au cours de l’évolution une série d’adaptations comportementales, morphologiques et physio-moléculaires importantes, leur permettant de supporter le stress thermique et d’exploiter les températures élevées de leur milieu.L’objet de ce travail est de comparer les différentes stratégies de thermotolérance adoptées par deux espèces sympatriques du genre Cataglyphis, C. viatica (fortement polymorphe), et C. cubica (presque monomorphe). Sachant que la taille joue un rôle important dans la thermotolérance, nous avons séparé nos échantillons en trois groupes (grandes et petites C. viatica et C. cubica). Nous avons ensuite, pour chacun des trois groupes comparatifs, réalisé un suivi de l’activité nycthémérale des colonies in situ, des tests de survie au stress thermique avec et sans stress hydrique à différents régimes de température, des mesures de dessiccation et de teneur relative en eau après une exposition à un stress thermique et hydrique, et enfin, des mesures de la proportion de masse graisseuse abdominale. Nous avons également réalisé une analyse d’expression différentielle des gènes des ouvrières des deux espèces, exposées à un stress thermique.Nos résultats montrent que chez C. viatica les grandes ouvrières sortent du nid beaucoup plus souvent que les petites au début de l’après-midi sous des températures frôlant leur seuil létal, tandis que C. cubica concentre son activité en fin de matinée sous des températures stressantes mais non létales. En outre, les grandes et petites C. viatica ont les valeurs de survie au stress thermique et hydrique à 45 °C les plus élevées et les plus faibles (respectivement), tandis que C. cubica possède des valeurs intermédiaires entre les deux. On a également observé que les grandes C. viatica perdent le moins d’eau proportionnellement à leur masse fraiche et possèdent les proportions de masse graisseuses les plus élevées, tandis que C. cubica possède une plus grande teneur relative en eau que les deux autres groupes. Enfin, peu de différences ont été trouvées au niveau de l’expression différentielle des gènes entre les deux espèces.Nous concluons que chez les fourmis thermophiles Cataglyphis, il existe différentes stratégies alternatives pour faire face aux conditions extrêmes du désert. Les différences entre C. viatica et C. cubica sont majoritairement d’ordre comportemental, morphologique et physiologique.