Résumé : Ces dernières années, les études qui traitent des agissements de la République Populaire de Chine à l’encontre des Ouïghours se multiplient. Alors que des voix s’élèvent dans le monde pour dénoncer la mise en place d’une politique génocidaire par Pékin, le silence de la Turquie qui est ethniquement, linguistiquement et religieusement proche des Ouïghours pose question. D’autant plus qu’en 2009, alors Premier ministre, Erdogan dénonçait des pratiques chinoises s’apparentant pratiquement à un génocide dans leurs agissements à l’encontre des Ouïghours. Outre le silence, un accord visant à accélérer le processus d’extradition a été signé entre les deux pays, menaçant les Ouïghours habitant en Turquie d’être livrés à Pékin. Ainsi, la vocation de cette recherche est de relever, à partir d’une approche réaliste néoclassique, les facteurs explicatifs de cette évolution de politique étrangère d’Erdogan allant de la condamnation à la coopération avec la Chine sur la question ouïghoure. Nous présupposons cette évolution de politique comme étant multifactorielle, pouvant être expliquée par l’évolution de la Turquie dans le système international, son contexte national et la perception de son dirigeant Erdogan. Ainsi, nos résultats montrent une évolution de politique étrangère d’Erdogan au gré de l’évolution du contexte national et international dans lequel la Turquie se trouve. Ce même contexte qui permettait en 2009 la condamnation d’Erdogan n’est en rien comparable à celui d’aujourd’hui. Sur le plan systémique, la dégradation des relations avec l’Occident s’est accompagnée -ou a engendré- des difficultés internes économiques, conduisant Erdogan à voir l’Asie comme alternative à l’UE et l’Occident. Disposant d’une économie dépendante des investisseurs extérieurs, les politiques de répression de l’opposition en interne, et antagonistes et agressives conduites par les intérêts nationaux en externe ont accentué la chute économique, faisant fuir les investisseurs étrangers. C’est pourquoi, au plus les relations se sont dégradées avec l’Occident faisant chuter l’économie turque, au plus Pékin a pu aller loin dans ses exigences allant du silence jusqu’à l’extradition de certains ouïghours habitant en Turquie. Autrement dit, au plus la Chine s’est rendue indispensable dans l’économie turque, moins Erdogan n’a pu réitérer, comme en 2009, sa position de condamnation de Pékin sur la question ouïghoure. Bien que restreinte compte tenu du manque d’accessibilité aux sources et aux médias en Turquie, cette recherche propose de combler un manque dans la littérature internationale du triangle Turquie-Ouïghours-Chine ainsi que l’utilisation de sources turques.