Mémoire
| Résumé : | Le 17 avril 2018 a éclaté en France le mouvement des Gilets jaunes. Lancé initialement pour contester une hausse des taxes sur le carburant routier, cette protestation de grande ampleur a bénéficié d’une couverture médiatique forte et a connu certains prolongements dans d’autres pays. Comme objet d’étude socio-politique, le mouvement des Gilets jaunes a stimulé de nombreuses analyses qui ont souligné son originalité et le caractère inattendu de sa survenue. Plusieurs clefs de lecture concurrentes ont ainsi été données pour tenter de l’expliquer. Notre contribution propose une exploration d’une de ces clefs de lecture, sujette à débat au sein de la communauté intellectuelle française, celle du concept spatial de France périphérique forgé par le géographe Christophe Guilluy. Face au constat de l’absence de travaux empiriques testant cette variable explicative, nous tentons de nous prononcer sur sa pertinence. Pour cela, nous nous intéressons à la population nationale française dans son soutien aux Gilets jaunes, plutôt qu’aux manifestants. Cette porte d’entrée par l’opinion publique est rarement utilisée dans la littérature sur les Gilets jaunes et l’ambition qui lui est sous-jacente est d’identifier des régularités structurelles à l’échelle nationale dont procèderait le mouvement des Gilets jaunes. Notre cas d’étude, la population française, est appréhendée grâce aux résultats d’un sondage réalisé auprès d’un échantillon représentatif de 4000 personnes par l’Observatoire Société & Consommation entre le 23 janvier et le 1er février 2019. Sur cette base, l’objectif est de déterminer si vivre dans la France périphérique impacte le soutien aux Gilets jaunes des citoyens français. La relation entre soutien aux Gilets jaunes et appartenance à la France périphérique est testée empiriquement en construisant un indice de soutien. Cette relation est aussi mise à l’épreuve en introduisant deux variables de contrôle : la confiance politique et la catégorie socioprofessionnelle. Nos résultats suggèrent que vivre dans la France périphérique est lié positivement au degré de soutien aux Gilets jaunes, mais que cette relation apparaît comme l’expression territoriale de rapports de force en réalité sociologiques au sein de la population française. Dès lors, pour caractériser l’impact spécifique de la France périphérique en tant qu’espace, il est déployé un modèle quantitatif permettant d’estimer les « effets de milieux » (Remy 2015). |
