Résumé : Les fourmis présentent une vulnérabilité élevée aux pathogènes due à la forte densité d’individus au sein de la fourmilière, à leurs contacts fréquents et à leur proximité génétique. Pour limiter l’exposition aux pathogènes et leur transmission au sein du groupe, elles ont développé des adaptations physiologiques, comportementales et organisationnelles, appelées immunité sociale. Celles-ci s’exercent à tous les niveaux d’une colonie et sont regroupées en trois catégories : l’évitement, la résistance et la tolérance. L’évitement constitue la première ligne de défense contre l’apport de pathogènes au nid et permet de réduire les coûts associés aux deux autres types de défense, qui apparaissent après l’infection. La détection précoce et la discrimination des pathogènes ainsi que la mémorisation des ressources et zones à risques permettraient de mener à leur évitement systématique lors des phases de récolte de nourriture et donc de diminuer le risque de ramener une charge pathogène au sein du nid.Dans cette étude, nous nous sommes intéressés à l’influence d’un environnement contaminé par le champignon entomopathogène Metarhizium brunneum sur les comportements individuels et collectifs de récolte de nourriture ainsi que sur la fidélité spatiale aux sources chez la fourmi Myrmica rubra. Pour ce faire, nous avons comparé les préférences d’exploration de zones de récolte, la dynamique de collecte de proies et la fidélité à une source alimentaire dans un environnement sain, proposant uniquement des proies saines tuées par congélation, et dans un environnement contaminé, présentant des cadavres sporulants de proies infectées par le champignon parmi les proies saines.Nos résultats montrent que les fourrageuses détectent et discriminent fortement les cadavres sporulants au profit des proies saines. Cependant, la présence de cadavres sporulants ne semble pas influencer les comportements individuels et collectifs d’exploitation de sources de nourriture, de récolte de proies et de toilettage. De même, nous avons mis en évidence la présence d’une fidélité spatiale individuelle à une source de nourriture, mais celle-ci n’a pas été influencée par les conditions sanitaires de l’environnement.De ce fait, il semble que Myrmica rubra ne discrimine pas les sources de nourriture dont certaines ressources sont contaminées, et que la survie de la colonie n’est pas impactée par leur exploitation. Cette absence d’évitement de sources partiellement contaminées chez Myrmica rubra pourrait être liée à son régime alimentaire généraliste incluant régulièrement des cadavres d’insectes. Nous discutons de l’influence possible d’autres facteurs sur le degré d’évitement d’aires contaminées, tels que le contexte d’exploitation des sources, l’écologie de l’espèce, la variabilité génétique intercoloniale et interindividuelle ou encore l’expérience de l’individu.