Résumé : Cette recherche étudie l’émergence de la dénonciation du rôle de la France dans le génocide des Tutsi de 1994, dont l’association Survie est l’acteur principal. S’inscrivant dans le sillage de l’action collective de dénonciation née dès 1991, l’action durable de cette société civile lui a permis de se muer en mouvement social au sens de Charles Tilly, utilisant des répertoires d’action collective afin d’identifier et mettre à l’agenda politique ses revendications dans l’espoir d’une solution étatique. La campagne soutenue, organisée et durable de revendications similaires de Survie afin de mettre à l’agenda politique sa dénonciation du rôle de la France dans le génocide des Tutsi s’adresse aux décideurs politiques, afin qu’une solution étatique soit développée, mais également à l’opinion publique, pour la sensibiliser aux actes français posés au Rwanda entre 1990 et 1994. La valeur, l’unité, l’engagement et le nombre d’adhérents de Survie sont garantis. Ces derniers sont des citoyens outrés des décisions prises en leur nom par leurs gouvernants, des universitaires, historiens, journalistes, etc. Son réseau plus large est composé d’universitaires et journalistes permettant à ses revendications de toucher un plus large spectre afin de les mettre à l’agenda politique. Au vu de sa dénonciation de l’appareil étatique français et sa volonté de neutralité, Survie ne peut qu’exercer des pressions externes et les répertoires d’actions collectives associés afin de mettre à l’agenda politique français ses revendications. Le premier est celui de la juridicisation, en se portant partie civile de plaintes contre des militaires français pour complicité de génocide, en portant plainte contre X pour complicité de génocide ou au Conseil d’État pour demander l’ouverture des archives classifiées. Le deuxième et troisième répertoire, celui de la protestation et de l’expertise, sont liés. Survie organise des protestations et manifestations, mais produit également de l’expertise grâce à l’organisation de colloques ou l’écriture de livres. Malgré l’existence de France-Turquoise, action collective ayant des revendications antagonistes et tentant d’opposer à Survie des dénis d’agenda grâce à leur position privilégiée auprès des décideurs politiques, l’utilisation de répertoires d’action collective a permis au mouvement social Survie d’identifier et mettre à l’agenda politique la problématique de la dénonciation du rôle de la France dans le génocide des Tutsi. Des solutions étatiques, même si celles-ci n’ont pas toujours répondu à la problématique selon Survie, ont été développées. La société civile a forcé la reconsidération politique du rôle de la France dans le génocide des Tutsi du Rwanda.