Résumé : Le maintien de l’ordre public est une prérogative des forces de police et est une condition essentielle dans une démocratie afin de garantir le respect des libertés fondamentales. L'évolution de l'institution policière et la tendance à la pacification des mouvements sociaux ont engendré un ajustement de l'intervention des forces de l’ordre implémentant une nouvelle doctrine prévoyant une cogestion de l’espace public avec les manifestants. L'État belge a mis en œuvre officiellement cette nouvelle gestion en 2011 dans un contexte politique et social instable. La question se pose de déterminer la stratégie de l’État belge d’imposer cette nouvelle gestion et analyser les effets sur les manifestants qui sont désormais ainsi impliqués. Cette contribution montre au travers d’une recherche documentaire et d’entretiens de manifestants et d'experts que les justifications et objectifs de cette nouvelle gestion ne sont pas suffisants. Nos résultats suggèrent que, hormis que ce concept répond à des attentes policières et à une nécessité sociale, cette doctrine visant en théorie à assurer l'exercice du droit de manifester pose dans sa mise en pratique différentes limites et crée des discriminations de traitements selon les types de manifestations ou de manifestants. Pour l'État cette doctrine apparaît alors comme un outil de contrôle de l’expression citoyenne pressante et récurrente. Les manifestants refusant de respecter les règles qui leur ont été imposées seront réprimés de différentes manières par la police. Certains manifestants, en connaissance des risques et compte tenu des situations qui leur apparaissent urgentes, ne se contentent plus des modes d'actions classiques de mobilisation et optent pour plus de radicalité dans leurs actions, se montrant désobéissants afin de réclamer des changements radicaux. L’État se sentant menacé et sans emprise sur ces mouvements sociaux, les criminalise en intensifiant la répression policière ce qui semble créer une spirale de surenchère entre les moyens de se faire entendre et la réponse que doit apporter l'État pour conserver le rapport de force.