par Devleeshouwer, Perrine
Référence Séminaire International "Penser les Marchés Scolaires" (12/03/2009: Genève - Suisse)
Publication Non publié, 2009-03-12
Communication à un colloque
Résumé : L’organisation du système scolaire en un quasi-marché est très marquée, en Belgique et particulièrement à Bruxelles. La hiérarchisation entre les établissements scolaires a été établie en Belgique francophone depuis longtemps (Delvaux, 1999 ; Draelants, Dupriez et Maroy, 2003 ; Dupriez et Vandenberghe, 2004 ; Maroy, 2007). La concurrence est alimentée à la fois par des dispositions légales, des stratégies d’écoles et des parents. Le droit du libre choix de l’école contribue à la ségrégation du marché scolaire. La logique de compétition économique du secteur scolaire devrait pousser les concurrents à accroître leur efficacité pour gagner un maximum de reconnaissances. Or Maroy (2006) constate l’inverse : les établissements se situent plutôt dans une logique de différenciation complémentaire. Ainsi, certains établissements se spécialisent dans la réception d’élèves et d’autres dans le refoulement. Les écoles « réceptacles » reçoivent les jeunes qui ont épuisé les possibilités d’inscription (après réorientation, redoublement ou expulsion). Les écoles « écrémées » conservent les élèves étiquetés conformes aux critères de l’excellence scolaire. Cette différenciation complémentaire érige un système scolaire à deux vitesses. La hiérarchie des établissements est construite sur des « réputations », des représentations sociales véhiculées par les réseaux sociaux (Maroy, 2004). Ces logiques, bien que subjectives, concourent à l’édification d’asymétries : séparation des publics, ségrégation scolaire, faible hétérogénéité au sein des établissements et des classes et maintien de filières séparées (Delvaux et Joseph, 2006). La compétition du quasi-marché scolaire y produit un apartheid scolaire parce qu’à Bruxelles la dualisation est à la fois sociale et ethnique. Dans le prolongement de ces travaux, nous proposons de présenter les résultats d’une recherche (Verhoeven, Delvaux, Rea, Martiniello, 2007) ayant traité des représentations d’élèves et d’acteurs institutionnels contribuant à la formation et à la reproduction de la hiérarchisation entre établissements. Ces discours tendent à constituer des justifications ex-post de la hiérarchisation. Les élèves différencient les écoles selon deux registres. Le premier concerne le bien-être dans l’établissement. Il est important pour eux de s’y sentir à leur place grâce au respect mutuel des interactions entre jeunes et avec le personnel scolaire. Le deuxième registre se rapporte à la bonne école idéale où les critères positifs sont une discipline respectée ainsi qu’une faible population d’origine étrangère. Ces registres sont partagés par tous les élèves, mais seulement certains ont les compétences et ressources afin de les mettre en pratique. Le personnel du monde éducatif, quant à lui, refuse la hiérarchisation du quasi-marché mais reconnaît son existence. Les critères de différenciation avancés sont la composition ethnique de l’établissement, le degré d’exigence et les opportunités ultérieures qu’offre l’école et, enfin, la filière d’enseignement. L’association entre élèves d’origine étrangère et mauvaise école est fortement intériorisée par tous les acteurs car elle a été construite sur une longue période sans qu’aucune mesure ne soit prise pour enrayer cet imaginaire. Les récentes tentatives de modification du système se sont ainsi heurtées à un fort refus basé sur cette construction symbolique de la hiérarchisation scolaire. Bibliographie Delvaux, B. (1999), « Négocier la diversité : une utopie ? », in Meurret (dir.), La justice du système éducatif, Bruxelles, De Boeck, pp. 155-171 Delvaux B., Joseph M. (2006), « Hiérarchie scolaire et compétition entre écoles : le cas d’un espace local belge », Revue Française de Pédagogie, n°156. Draelants H., Dupriez V. et Maroy Ch. (2003), « Le système scolaire en Communauté française », Dossiers du CRISP, n°59, Bruxelles. Dupriez V. et Vandenberghe V. (2004), « L'école en communauté française de Belgique : De quelle inégalité parlons nous ? », in Les cahiers de recherche en éducation et formation, n° 27, Louvain-la-Neuve, UCL. Maroy Ch. (dir.) (2006), Ecole, régulation et marché : une comparaison de six espaces scolaires locaux en Europe, Paris, PUF. Maroy C. (2007), « Pourquoi et comment réguler le marché scolaire ? », Cahiers de Recherche en Education et en Formation, Girsef/Université de Louvain, n°55. Verhoeven, Delvaux, Rea, Martiniello, 2007« Analyse des parcours scolaires des jeunes d’origine ou de nationalité étrangère en Communauté française de Belgique ». Rapport final de recherche.