Résumé : Cette thèse a pour objectif d’exploiter un nouveau modèle de souris transgénique développé au laboratoire, dans lequel le complexe enzymatique générateur d’H₂O₂ DUOX2/DUOXA2 est surexprimé de manière conditionnelle et inductible, afin d’étudier les troubles thyroïdiens liés aux enzymes DUOX. La thèse est organisée en deux projets distincts :1. Étude de l’impact de la surproduction chronique d’H₂O₂ sur la tumorigenèse thyroïdienneAprès la caractérisation du modèle Tet:Da2D2⁺/⁻;mTg:CreERT2⁺/⁻ ayant démontré une induction efficace de l’expression transgénique de DUOX2 et DUOXA2 accompagnée d’une augmentation de la production d’H₂O₂ détectée ex vivo, la première partie de cette thèse a consisté à étudier les effets d’une surproduction chronique d’H₂O₂ sur la tumorigenèse thyroïdienne. Pour ce faire, l’expression de la cassette transgénique DUOX2/DUOXA2 a été induite pendant plusieurs mois chez les souris Tet:Da2D2⁺/⁻;mTg:CreERT2⁺/⁻ après l’injection de tamoxifène (TAM) suivie de l’administration de doxycycline (DOX) dans l’eau de boisson. L’éventuel développement d’un phénotype tumoral thyroïdien a été évalué à travers plusieurs paramètres : l’état général des animaux, les marqueurs thyroïdiens (taux sériques de T4 et de TSH, niveaux d’expression de Nis, Tpo, TSHr, ...), l’histologie de la glande, l’accumulation des espèces réactives de l’oxygène (ROS), la réponse antioxydante (Gpx2, Nqo1, ...) ainsi que les dommages à l’ADN (Ogg1, P-Ser139 H2AX, ...).Aucun phénotype tumoral n’a été observé, même après 12 mois d’induction. Cette absence de transformation maligne pourrait s’expliquer soit par la faible élévation de la synthèse locale de peroxyde d’hydrogène résultant d’un défaut d’activation du complexe enzymatique DUOX2/DUOXA2 transgénique, soit par la présence d’une réponse antioxydante efficace au niveau de la thyroïde des souris double transgéniques. Enfin, l’expression des transgènes dans un modèle prédisposé à développer un cancer thyroïdien (réarrangement chromosomique RET/PTC3) n’a pas conduit à une aggravation du phénotype tumoral chez les souris triple transgéniques Tet:Da2D2⁺/⁻;mTg:CreERT2⁺/⁻;mTg:RET/PTC3⁺/⁻, mais au contraire, une atténuation du phénotype tumoral.2. Étude de la fraction de TFCs nécessaire à la restauration de la fonction thyroïdienne La proportion minimale de cellules folliculaires thyroïdiennes (TFCs pour thyroid follicular cells) devant être génétiquement restaurée chez des individus souffrant de dyshormonogenèse thyroïdienne (DHT) afin de rétablir la fonction thyroïdienne demeure inconnue. Le second objectif de cette thèse était donc de déterminer la proportion minimale de follicules thyroïdiens actifs nécessaire à la restauration d’une fonction thyroïdienne physiologique chez les souris Duoxa⁻/⁻ souffrant d’hypothyroïdie congénitale (HC), mais également la proportion de TFCs actifs nécessaire à l’activité folliculaire.L’expression ciblée du complexe DUOX2/DUOXA2 induite par injection de TAM et administration de DOX a permis de corriger efficacement le phénotype hypothyroïdien des souris Duoxa⁻/⁻. Par la suite, les animaux triple transgéniques (3TA : Tet:Da2D2⁺/⁺;mTg:CreERT2⁺/⁻;Duoxa⁻/⁻) ont été injectés à l’aide de faibles doses de TAM afin de limiter la recombinaison génique à un nombre restreint de TFCs. Cette approche a permis de déterminer à l’aide d’un double immunomarquage thyroglobuline totale (TG)/TG iodée (iTG) la proportion minimale de follicules thyroïdiens fonctionnels nécessaire à la restauration d’une fonction thyroïdienne physiologique. Par ailleurs, la proportion de TFCs recombinées (actives) au sein d’un follicule requise pour initier la synthèse des hormones thyroïdiennes (HT) a été évaluée par association de l’immunomarquage TG/iTG avec la détection de l’ARNm de Duox2 par RNAscope, utilisé comme marqueur de recombinaison médiée par CreERT2.Nos résultats ont montré que l’iodation de la TG est rapidement restaurée dès 24 heures suivant l’expression du complexe DUOX2/DUOXA2 transgénique chez les souris Duoxa⁻/⁻. De plus, nous avons démontré que l’activation d’uniquement une partie des follicules thyroïdiens était suffisante pour assurer une fonction thyroïdienne normale : environ 80 % pour maintenir l’euthyroïdie après l’arrêt du traitement à la T4, et 50 à 70 % pour corriger un goitre déjà installé. Enfin, au sein de chaque follicule, une activation d’environ 15 % des TFCs suffit à relancer la biosynthèse des HT.