Résumé : Le présent travail est consacré à la géographie paroissiale de l’espace régional bruxellois au Moyen Âge. Il prend place dans un contexte de recherche stimulant. En effet, depuis plusieurs dizaines d’années, la paroisse médiévale et sa dimension spatiale ont fait l’objet d’un important renouvellement historiographique. Le territoire paroissial est aujourd’hui davantage conçu comme le résultat d’un processus qui s’inscrit dans le temps long et qui n’aboutit à la constitution d’un maillage continu que tardivement à l’échelle de l’époque médiévale. Au-delà de cet aspect diachronique, les logiques qui sous-tendent l’établissement des ressorts paroissiaux ont également fait l’objet de nouvelles lectures tandis que le rôle des structures domaniales, jusque-là considérées comme prédominantes dans la configuration des paroisses, a été redéfini. Ces nouvelles considérations ont questionné la manière dont les territoires paroissiaux médiévaux sont représentés et cartographiés. Depuis le début du XXe siècle, le recours à la géographie communale – reposant sur l’idée que les contours communaux du XIXe siècle sont les exacts héritiers des limites paroissiales médiévales – constitue le moyen le plus plébiscité. La pertinence de cette méthode, considérée comme à l’origine de représentations anachroniques du territoire paroissial, a été considérablement remise en doute laissant l’opportunité de développer d’autres manières d’étudier et de cartographier la géographie paroissiale médiévale. En considérant l’espace régional bruxellois (territoire de l’actuelle Région de Bruxelles-Capitale) comme terrain d’expérimentation, ce travail est structuré en 14 dossiers qui procèdent ensemble à l’étude des 19 paroisses que compte ce territoire à la fin du Moyen Âge. Il entend développer la possibilité de reconstituer et de cartographier les paroisses médiévales à partir des textes de cette époque. Compte tenu de l’usage croissant de la paroisse en tant qu’espace de géoréférencement des biens à partir du XIIe siècle, les sources relatives à la gestion du foncier ont été largement mobilisées. Au terme de dépouillements de grande ampleur (restitués en annexes), de nombreux toponymes ont été récoltés et une part significative d’entre eux ont pu être localisés permettant dès lors la reconstitution des territoires paroissiaux entre les XIIIe et XVe siècles. Sur la base de ces résultats, l’influence de plusieurs paramètres sur la géographie paroissiale a pu être questionnée. Une importante convergence entre la spatialité de la dîme et les territoires paroissiaux a pu être démontrée pour les derniers siècles du Moyen Âge. Toutefois, l’organisation territoriale de la dîme demeure complexe tandis que les confins des ressorts dîmiers bruxellois sont caractérisés par des zones d’interface et non des limites linéaires. L’impact de différents facteurs topographiques tels que le réseau hydrographique, le relief, le réseau viaire ou encore les espaces boisées sur la configuration des territoires paroissiaux a également été évalué. La ville de Bruxelles a quant à elle fait l’objet d’une étude circonstanciée démontrant une organisation paroissiale reconfigurée sur la base de l’espace urbain de l’oppidum. Enfin, par cette expérimentation heuristique et méthodologique, ce travail entendait éprouver empiriquement les limites de la méthode régressive et son recours à la géographie communale. Pour ce faire, les cartographies des paroisses médiévales ont été comparées aux contours communaux du milieu du XIXe siècle révélant la nécessaire prudence avec laquelle cette méthode régressive doit être utilisée.This work is devoted to the parish geography of the Brussels regional area in the Middle Ages. It is situated within a stimulating research context. Indeed, over the past several decades, the medieval parish and its spatial dimension have been the subject of significant historiographical renewal. Today, the parish territory is increasingly understood as the result of a long-term process that only gradually led to the formation of a continuous network, and this relatively late in the medieval period.Beyond this diachronic aspect, the logics underlying the establishment of parish boundaries have also been re-examined, while the role of manorial structures—previously considered predominant in shaping parishes—has been redefined. These new perspectives have raised questions about how medieval parish territories are represented and mapped. Since the early 20th century, scholars have widely relied on municipal geography—based on the idea that 19th-century municipal boundaries are the direct heirs of medieval parish limits. However, the validity of this method has increasingly been called into question, as it often leads to anachronistic representations of parish territory. This has opened the door to the development of new ways to study and map medieval parish geography.By considering the Brussels regional area (the territory of today’s Brussels-Capital Region) as a testing ground, this study is structured into 14 case files that collectively examine the 19 parishes present in the area at the end of the Middle Ages. The objective is to explore the possibility of reconstructing and mapping medieval parishes based on contemporary texts. Given the growing use of the parish as a geographic reference for property from the 12th century onwards, sources related to land management have been extensively utilized. Following large-scale archival work (presented in the appendices), a vast number of toponyms were collected, many of which could be located, thereby enabling the reconstruction of parish territories between the 13th and 15th centuries. Based on these findings, the influence of several parameters on parish geography was investigated. A significant convergence between the spatial distribution of tithes and parish territories was demonstrated for the later Middle Ages. However, the territorial organization of tithes remains complex, and the edges of the Brussels tithe jurisdictions are better characterized as interface zones rather than linear boundaries. The impact of various topographical factors—such as the hydrographic network, terrain, road networks, and wooded areas—on the configuration of parish territories was also assessed. The city of Brussels itself was the subject of a focused study, revealing a parish organization reconfigured around the urban space of the oppidum. Finally, through this heuristic and methodological experiment, this study sought to empirically test the limits of the regressive method and its reliance on municipal geography. To this end, the reconstructed maps of medieval parishes were compared to mid-19th-century municipal boundaries, revealing the need for caution when using this regressive approach.