Résumé : Cet article propose une relecture critique d’un corpus photographique issu de la mission ethnographique menée en 1913-1914 au Bas Congo et au Moyen Congo par Joseph Maes, responsable de la section ethnographique du Musée du Congo belge. L’objectif est d’interroger la manière dont l’architecture vernaculaire y est représentée et, plus précisément, les formes de réduction qu’elle subit à travers les dispositifs coloniaux de collecte et d’archivage.Nous retraçons une généalogie à rebours dans les archives afin de comprendre comment les connaissances sur les techniques de construction vernaculaires sont progressivement écrasées : par le regard colonial, qui réfute le caractère architectural des édifices qu’il observe (1) ; par les modalités de la collecte ethnographique, où l’habitat est traité comme un artefact secondaire, sans représentations en plans, coupes ou relevés (2) ; par le processus d’archivage, enfin, qui reconduit des catégories péjoratives (“huttes”, “cases”, “constructions”) et disperse, recalibre et appauvrit à son tour ce qu’il devrait préserver et rendre intelligible (3).L’étude du parcours des images – de la prise de vue sur le terrain au classement muséal – montre que la photographie, loin de restituer fidèlement le processus constructif, produit un effet de réduction. Malgré les intentions initiales de Maes de documenter l’habitation indigène, seules une quinzaine de photographies de chantier figurent aujourd’hui parmi les 1500 clichés de la mission. Ces vues, souvent uniques, cadrées au plus près, décontextualisées, rendent difficile toute reconstitution d’une chaîne opératoire ou d’un savoir constructif ancré localement.Nous montrons - en étudiant leur cadre de production - que les pratiques de description par l’image de l’époque coloniale participent non seulement à la marginalisation de l’architecture vernaculaire, mais aussi à la possibilité de sa reconnaissance. L’article plaide ainsi pour une lecture critique, située et contextualisée, de ces archives visuelles ; afin de faire émerger des bribes de savoirs sur la construction vernaculaire, aujourd’hui réévaluée à l’aune des enjeux de durabilité, de transmission et de décolonisation des savoirs.