Thèse de doctorat
Résumé : La moitié des étoiles sont gravitationnellement liées à un compagnon stellaire, composant ainsi un système binaire. Cette configuration influence leur évolution mutuelle et, plus spécifiquement, lorsqu’une des étoiles évolue vers des dimensions de géante. Les mécanismes d’interaction entre une étoile évoluée géante et son compagnon sont à l’origine d’un large éventail de phénomènes astrophysiques, tels que les explosions de supernovæ et les nébuleuses planétaires asymétriques. Pour comprendre l’évolution des systèmes binaires, il est indispensable de caractériser les processus d’interaction à l’œuvre entre les deux étoiles. Cependant, l’importante luminosité de la géante ne permet d’inférer la présence du compagnon que de manière indirecte, via des signatures dans la dynamique et la morphologie de l’étoile et de son environnement. Sonder l’environnement circumstellaire proche, en vue de détecter de telles signatures, exige des techniques d’observation avancées, en terme de résolution spatiale, spectrale et/ou temporelle. L’axe de recherche de cette thèse vise à fournir des contraintes observationnelles pour les systèmes binaires composés d’étoiles évoluées. En combinant des méthodes de détection complémentaires, nous analysons deux systèmes choisis en tant que prototypes. Cette étude cherche à déterminer les configurations orbitales, ainsi que les mécanismes d’interaction à l’œuvre, déduits par la cinématique du gaz (chaud et froid) et la distribution de la poussière stellaire. Le premier cas d’étude prend en considération les étoiles de la branche des géantes asymptotiques (AGB). Leur atmosphère étendue est oumise à des pulsations régulières qui alimentent des vents stellaires lents, contribuant ainsi à l’enrichissement chimique de l’univers. Le cas étudié, le système V Hydræ, se compose d’une étoile AGB carbonée pulsante. Ce système présente des déclins de luminosité périodiques et un vent bipolaire rapide. Ces deux caractéristiques sont suspectées provenir d’une interaction vent-binaire. Nous avons tout d’abord examiné, par suivi spectral dans le domaine optique, le mouvement de la géante et décorrélé les variations intrinsèques d’une signature orbitale. Nous avons détecté la présence de gaz froid à haute vitesse que nous avons modélisé par la présence d’un jet conique, potentiellement lancé par le compagnon. Ensuite, la morphologie de l’environnement poussiéreux a été analysée dans le domaine infrarouge. Les images reconstruites à partir des données interférométriques ont révélé que l’environnement proche de l’étoile est asymétrique. Comparant le modèle orbital obtenu avec la distribution de poussière, nous suggérons que cette asymétrie est liée à un amas de poussière façonné par la présence du compagnon et pourrait être à l’origine des obscurations périodiques. La présence d’un compagnon dans ce système permet d’expliquer les premières étapes de la transition vers les structures, principalement bipolaires, trouvées parmi les descendants des étoiles AGB, tels que les étoiles post-AGB et les nébuleuses planétaires. Le second cas d’étude s’intéresse à un système composé d’une étoile géante rouge et d’une naine blanche dont l’interaction engendre une activité symbiotique. Dans certains systèmes, l’importante accrétion de matière sur la naine blanche peut déclencher des phénomènes explosifs récurrents : des novæ. Le système étudié, T Coronæ Borealis, constitue le prototype de cette classe de novæ récurrentes symbiotiques. Nous avons analysé, par tomographie Doppler, la variation de raies spectrales pour en déduire la cinématique du gaz dans le système. Nous avons ainsi révélé la présence d’un point chaud dans le système au point d’impact entre le flux d’accrétion et le disque entourant la naine blanche. Les signatures du mécanisme d’accrétion démontrent que le transfert de matière se produit de manière similaire à la situation qui prévaut parmi les variables cataclysmiques, malgré leur configuration orbitale et leur évolution singulièrement différentes. La caractérisation du système dans son état super-actif récent favorise une meilleure compréhension de l’état du système, précédant sa prochaine explosion nova. Les deux études de cas présentées ici- une étoile AGB carbonée binaire présentant une morphologie bipolaire et une étoile symbiotique nova récurrente- attestent que les techniques d’observation nous permettent, désormais, de localiser le gaz et la poussière entre une géante rouge et son compagnon invisible, et d’en déduire les mécanismes de transfert de masse à l’œuvre dans ces systèmes.