par Filée, Eve
Référence Mediating Belongings, Constructing Identities : Belgian Modernism in Transfer (1870-1940) (22-24 Avril 2025: Maison Française d’Oxford)
Publication Non publié, 2025-04-22
Communication à un colloque
Résumé : Renata Tyršová, intellectuelle majeure de la Bohême au tournant du siècle, a tenu le rôle de médiatrice culturelle à travers plusieurs contributions dans d’influentes revues tchèques : Lumír, Osvěta et Světozor . Son travail reflète une double mission : celle d’une nationaliste convaincue de la richesse de la culture tchèque, et celle d’une femme, d’une éducatrice aspirant à ouvrir cette culture à de nouveaux horizons internationaux. Cette tension entre ancrage national et ouverture cosmopolite est manifeste dans son approche de la culture belge, qu’elle perçoit comme un modèle pour la Bohême. Tyršová admire « la lutte libératrice qui, en 1830, transforma soudainement tous les rapports politiques en Belgique » en plaçant « la représentation des propres annales du people » comme « but suprême de tous les efforts patriotiques et artistiques » , comme dans l’œuvre de Rubens et Antoine Wiertz. Dans Lumír (1878) et Osvěta (1880), Tyršová établit un parallèle entre la Belgique et la Bohême, deux « petites nations » confrontées à des défis similaires : multilinguisme, multinationalité, préservation de leur identité culturelle face aux cultures voisines, et quête de reconnaissance sur la scène internationale. Toutefois, son choix de consacrer ses articles à Rubens et Wiertz n’est pas anodin. Pourquoi s’intéresser à Wiertz quand les revues modernistes tchèques telles que Moderní Revue ou Volné Směry privilégient les Belges symbolistes ou décadentes, où Wiertz est absent ? Quels autres médiateurs interviennent dans la réception de son œuvre en Bohême ? Nous analyserons la stratégie de médiation adoptée par Tyršová, qui valorise une figure belge plus marginale pour enrichir le paysage artistique tchèque tout en répondant à des enjeux identitaires et esthétiques propres à la Bohême. Son approche réaffirme l’importance des réseaux d’intellectuels qui relient ces « petits Etats », dans un dialogue culturel européen dominé par la France et l’Allemagne. En replaçant Wiertz dans ces transferts culturels, nous explorerons la façon dont Tyrsová articule cette double revendication : reconnaitre l’art comme vecteur d’identité nationale et ouvrir des passerelles transnationales entre cultures « semi-périphériques ».