Résumé : Le concept de souveraineté n’est-il pas condamné à l’obsolescence dans un monde globalisé où les sources et les lieux d’exercice du pouvoir sont de plus en plus fragmentés, et où les crises environnementales bouleversent la stabilité du sol sur lequel l’État-nation territorialisé s’est historiquement construit ? Les appels à la souveraineté industrielle, énergétique, alimentaire, sanitaire, numérique, etc., semblent pourtant se renforcer à mesure que s’actualisent ces différentes crises. Comment expliquer cette inflation contemporaine du vocabulaire de la souveraineté ? Et surtout, quelles sont les raisons pour lesquelles la souveraineté demeure malgré tout un concept indépassable pour s’orienter et agir tant au niveau national qu’en-deçà et au-delà ? Telles sont les questions discutées dans cet entretien avec Céline Spector et Alessandro Stanziani, qui, en s’appuyant sur la lecture de leurs ouvrages respectifs, No Démos ? et Capital Terre, cherche des pistes de réponses au carrefour de la philosophie politique et de l’histoire économique et environnementale. Un horizon commun aux deux auteur·ices se dégage de la discussion : d’une part, le rappel de la diversité des sources historiques de la souveraineté et des possibles non-advenus, qui font rétrospectivement apparaître des horizons alternatifs au devenir néolibéral et souverainiste de l’Europe, de l’autre, la défense d’un usage démocratique de la souveraineté comme point d’appui pour le renforcement des institutions représentatives et des services publics, en particulier au niveau de l’Union européenne et de ses différents territoires.