Résumé : L’enjeu des transformations en termes architecturaux/urbanistiques est le pivot de la question centrale que pose cette thèse, à savoir « Comment un urbanisme qui se voulait maîtrisé, dominant et formel pendant la période coloniale échappe à toute régulation et se déformalise après l’indépendance ? » En d’autres mots, comment les cités planifiées vers 1950 à Léopoldville se sont-elles déformalisées ? Ainsi, l’originalité de notre thèse est d’analyser l’appropriation et le processus des transformations sociospatiales d’un urbanisme formel dominant en un urbanisme informel subalterne. L’objectif poursuivi dans ce travail est double : 1° d’une part, comprendre le rôle de l’administration coloniale dans la formalisation des cités planifiées, particulièrement celle de Matete, en illustrant le caractère volontariste de sa construction, tant en matière d’usage et d’organisation de l’espace qu’en matière de gestion des différents acteurs ; 2° d’autre part, faire ressortir au mieux la permanence ainsi que la rupture de certains éléments observés dans l’évolution sociospatiale qui va occasionner la déformalisation des cités planifiées après l’indépendance. Cette thèse révèle des pratiques subalternes montrant la dynamique d’appropriation et de transformation des espaces privés/publics en lien avec l’économie de survie induisant la déformalisation urbaine à grande (macro) et à petite échelle (méso, micro). Cela tient, entre autres, au profit de stratégies de survie, lesquelles s’illustrent par une dynamique marchande. Trois terrains spécifiques d’analyse de Matete sont mobilisés afin de vérifier les hypothèses de recherche sur le terrain. Le premier terrain est celui des espaces des parcelles d’habitat (privatifs) appropriés aussi bien physiquement que cognitivement par ses habitants, puis transformés en ressources économiques par les initiatives des différents acteurs. Ces acteurs vont notamment ériger en façade, sur la bande de terre vide qui sépare leur habitat de la rue principale, une pièce adventice, une boutique, une cabine téléphonique de quelques mètres carrés, favorisant une forte densification subalterne des unités informelles génératrices de rentes. Le deuxième terrain est celui des espaces réservés aux infrastructures de services publics, notamment ceux des décharges publiques de transit (« Fulu »). Ici, nous esquissons la réalité sur le terrain, relevant des espaces logiquement planifiés dans le projet initial pour accueillir ces décharges de transit pour des immondices, mais, aujourd’hui, faisant l’objet d’un accaparement et d’une privatisation du foncier par les initiatives d’acteurs politiques et administratifs bénéficiaires d’un privilège en raison de leur position à des fins économiques. Le troisième terrain est celui des espaces planifiés pour les activités sportives situés à proximité du centre communautaire, devenu nœud de mobilité « Somida », avec comme conséquence la densification d’activités économiques informelles pour bénéficier d’une rente foncière, une marchandisation du sol par le bas, l’accaparement des réserves foncières communales, etc. Cela est clairement révélé par l’agglomération des activités économiques informelles dans un contexte de crise de l’économie formelle et de manque de gouvernance urbaine. Ces trois terrains d’analyse permettent d’observer divers niveaux de déformalisation qui se manifestent par le marquage permanent de pratiques subalternes. Appliquée à la cité planifiée de Matete, la présente recherche met en place une double grille d’analyse comparative liée à la description des pratiques populaires et leur analyse de formalisation et de déformalisation des cités planifiées. Cela produit des résultats relatifs aux dynamiques d’appropriation et de transformation sous de multiples dimensions, principalement sociospatiale et socio-économique. La présente étude se réfère à un urbanisme subalterne relevant de la vie quotidienne des divers acteurs notamment subalternes, institutionnels (élites étatiques) et entrepreneurs clés. Situées au centre de cette recherche et lues au travers des transformations sociospatiales en lien avec l’économie de survie que la commune de Matete subit, les pratiques populaires sont perçues comme spécifiques à la société congolaise. On note que de nouveaux rapports sociaux, des circonstances de nature architecturale, urbanistique, ainsi que de nouvelles structures sociospatiales, ont favorisé la déformalisation, contribuant à construire de nouveaux espaces de sociabilité. Mots-clés : Espace public, cité planifiée, formalisation, urbanisme subalterne, déformalisation urbaine.