Résumé : L’acide urique est un antioxydant plasmatique puissant et représente plus de 60 % de la capacité antioxydante du plasma. Il joue également un rôle pro-oxydant au niveau intracellulaire via la production de radicaux libres. Il est le produit de dégradation final des purines à la suite de leur transformation par la xanthine oxydoréductase dont la forme oxydée est une source importante de radicaux libres. Une élévation du taux d’acide urique a été associée à plusieurs maladies et marqueurs cardiovasculaires dont l’association la plus forte et la plus décrite est celle entre l’acide urique et l’hypertension artérielle. Une série d’études interventionnelles ont pu montrer un effet bénéfique de la réduction chronique du taux d’acide sur la tension artérielle, le stress oxydatif et la fonction endothéliale. Il n’est pas clair si ces effets sont directement liés à une réduction de l’acide urique per se ou par la réduction de la production de radicaux libres à la suite de l’inhibition de la xanthine oxydase. Le but de ce travail est d’évaluer comment le système cardiovasculaire, étudié à travers l’évaluation de la fonction endothéliale, le stress oxydatif et la rigidité artérielle, répond à une réduction aigue de la concentration d’acide urique à l’aide de différents agents pharmacologiques. Cette étude vise à déterminer les effets précoces d’une réduction aigue modérée et sévère de la concentration d’acide urique sur le système cardiovasculaire, ainsi que de déterminer la concentration idéale d’acide urique et de différencier les effets d’un blocage de la xanthine oxydase seule par rapport au blocage de cette même enzyme accompagné d’une réduction de la concentration d’acide urique. Les agents pharmacologiques utilisés sont le fébuxostat, un inhibiteur sélectif de la xanthine oxydoréductase et la rasburicase, une enzyme recombinante qui dégrade l’acide urique en allantoïne, librement excrétée dans l’urine. La fonction endothéliale a été étudiée avec un imageur Laser Doppler qui permet de générer une cartographie couleur de la circulation cutanée en réponse à différents stimuli tels que des vasodilatateurs (acétylcholine, nitroprussiate de sodium) ou la chaleur en présence ou non d’une inhibition préalable de la NO synthase. La balance oxydative a été étudiée par le dosage de différents agents oxydants et antioxydants. Quant à la rigidité artérielle, elle a été étudiée à travers la tonométrie d’aplanation (Sphygmocor). Toutes ces mesures étaient non invasives. Les populations étaient dans un premier temps, un groupe de jeunes adultes sains masculins, et dans un deuxième temps, un groupe d’adultes d’âge moyen, des deux sexes avec ou sans hypertension artérielle primaire. Il a été démontré qu’en comparaison à une hypouricémie sévère, une hypouricémie aigue modérée engendre :1) Une amélioration de la vasodilatation cutanée à la chaleur2) Une réduction légère de la tension artérielle, probablement via un effet sur le système rénine angiotensine aldostérone3) Une réduction modérée de la capacité antioxydante du plasma proportionnelle à la réduction du taux d’acide urique Pour finir, nous avons regroupé les individus masculins des deux premières populations afin d’étudier spécifiquement trois groupes d’individus : un groupe de jeunes adultes sains, un groupe d’adultes d’âge moyen sans hypertension artérielle et un groupe d’adultes d’âge moyen avec hypertension artérielle. Cette troisième analyse nous a permis de comparer l’impact respectif de l’âge, de l’uricémie et de l’hypertension sur la fonction endothéliale, le stress oxydatif et la rigidité artérielle. Il a été démontré que l’âge était le principal facteur déterminant de la dysfonction endothéliale, du stress oxydatif et de la rigidité artérielle à travers une réduction de la biodisponibilité du NO. L’effet de la tension artérielle est beaucoup plus modeste sur ces paramètres quand l’âge du patient est pris en considération. En effet, l’hypertension ne semble pas augmenter l’altération de la fonction endothéliale déjà présente, sans doute à la suite de la saturation des mécanismes protecteurs de l’endothélium. Il en va de même pour l’acide urique. Ce dernier ne devrait dès lors plus être mesuré systématiquement lors d’une prise de sang de routine chez des sujets à faible risque cardiovasculaire en l’absence d’antécédent de goutte.En conclusion, l’hypouricémie aigue sévère ne semble pas être bénéfique sur le plan cardiovasculaire contrairement à une hypouricémie modérée. Le seuil idéal d’acide urique semble se situer entre 2 et 3 mg/dl. Cependant, d’autres études de grandes ampleurs sont nécessaires pour évaluer l’impact au long cours d’une réduction de la concentration d’acide urique et surtout identifier les patients qui pourraient en bénéficier. En effet, le seuil décrit ci-dessus est un seuil physiologique idéal, la plupart des individus sains ont un taux d’acide urique supérieur.