Résumé : Cette étude porte sur les désirs d’enfants : conjugalité, fécondité et économie domestique dans le Bénin méridional. Elle s’inscrit dans un contexte de croissance démographique rapide au sein duquel le milieu rural affiche particulièrement un taux de fécondité élevé. Cette situation affecte les ratios de dépendance et l’économie des ménages tout en questionnant la perspective d’une maîtrise de la fécondité. Ce travail se propose alors d’explorer les logiques complexes qui gouvernent les pratiques et les comportements de fécondité à l’échelle locale. L’approche adoptée est une analyse par le bas, à travers une étude qualitative auprès des couples et des structures familiales pour comprendre les expériences singulières de quelques couples ruraux, mais aussi les logiques dans lesquelles s’inscrivent leurs projets de fécondité. Une attention particulière est portée aux trajectoires sociales des hommes et des femmes avant leur entrée en union et pendant leur union, afin d’analyser la manière dont ils construisent mentalement et socialement la valeur de l’enfant. Cette valeur s’imbrique avec la symbolique du xɔli-hɛnnu dont le rayonnement et la pérennité assurent le futur du lignage et l’immortalité des ascendants. La pertinence de cette recherche se trouve dans le fait qu’elle explore les préférences de fécondité des couples en analysant les subjectivités des partenaires, tout en montrant les complexités et les réarrangements qui surgissent dans les situations singulières. Ces préférences sont gouvernées par la transmission de la terre, la reproduction et le maintien des lignées et par l’assurance-vieillesse. A cet effet, la question de la prise en charge des parents âgés apparaît en filigrane dans les discours, dans un contexte où la sécurité sociale pour certaines catégories, en l’occurrence les catégories paysannes et non scolarisées, est inexistante. Cette étude s’est aussi focalisée sur l’envers de la norme : la sexualité inféconde. Cette approche a permis d’analyser l’impact de l’absence d’enfants sur la vie conjugale et sur les structures familiales. Pour ce faire, elle articule la fécondité à des rapports de pouvoir multiples : entre les personnes ayant des enfants et les couples qui connaissent des troubles de la fécondité ; entre les personnes qui ont de nombreux enfants et ceux en ‘hypofécondité’. Cette thèse contribue à attirer l’attention sur la persistance des inégalités de genre qui cloisonnent les hommes et les femmes dans des rôles politiques distincts au sein des structures familiales. Il échoit prioritairement aux hommes la responsabilité de la reproduction des groupes domestiques et l’honneur d’incarner la perpétuation de la lignée, et aux femmes, les soins aux personnes âgées. Il s’agit enfin d’ouvrir le débat sur la question de la sécurité sociale pour tous afin que la prise en charge des personnes âgées ne repose plus uniquement sur les familles.