par Louazon, Elena
Référence Sur le journalisme, 13, 1, page (78-95)
Publication Publié, 2024-07-08
Article révisé par les pairs
Résumé : Cet article s’intéresse au vécu dans les rédactions de journalistes qui appartiennent à des groupes minorisés. Soixante-et-un entretiens ont été réalisés auprès de journalistes LGBTQI et de journaliste racisé·es et témoignent des difficultés et atteintes sociales qu’ils et elles rencontrent au quotidien. Il apparaît en particulier qu’ils et elles se heurtent fréquemment à des assignations à l'engagement militant et à une présomption de partialité. Leurs collègues et leur encadrement remettent ainsi régulièrement en question leur objectivité et leur capacité à couvrir des sujets de manière neutre. L’enquête s’attache à expliciter la nature de ces assignations à l’engagement -qui se mêlent bien souvent à des discours professionnels- ainsi que leurs effets sur les journalistes qui en sont victimes. Face à ces assignations, souvent vécues par les journalistes comme des formes de violence, trois grandes stratégies de résistance ont été identifiées. Une première stratégie voit certains journalistes tenter convertir ces assignations à l’engagement en une preuve d’expertise sur certaines thématiques, en acceptant et en transformant les assignations pour en tirer profit. Une seconde stratégie cherche à renverser l’accusation de partialité en mobilisant des discours professionnels autour d’une maîtrise approfondie de la déontologie, qui devient alors un argument de défense. Enfin, une troisième stratégie consiste à questionner les fondements épistémologiques du journalisme pour invalider les reproches formulés, grâce à un discours critique sur les normes journalistiques et la défense de pratiques professionnelles plus inclusives. Cette étude met ainsi lumière toute l’ambiguïté des discours de valorisation de la « diversité » dans le journalisme tenus depuis le milieu des années 2000, qui ont réduit le problème à un manque de représentativité et de présence de journalistes concerné‧es dans les rédactions, sans questionner les dynamiques de pouvoir toujours très fortes au sein de la profession.