par Vranken, Apolline
Référence Habiter le care - Le logement et ses abords au défi des gender studies (22 novembre 2023: LOCI UCLouvain, Bruxelles)
Publication Non publié, 2023-11-22
Communication à un colloque
Résumé : L’écriture d’une histoire féministe de l’architecture appelle la conception et l’utilisation d’outils méthodologiques, analytiques, historiographiques et narratifs innovants afin de déstabiliser les traditionnelles et toujours actuelles classifications hégémoniques de l’histoire l’architecture. Dans notre recherche doctorale portant sur production d’un nouveau récit inclusif de l’architecture moderne en Belgique partant de la figure sui generis de l’architecte Simone Guillissen-Hoa (1916-1996), force est de relever les limites de l’analyse discursive, tant dans les textes issus des études de genre que dans la discipline de l’histoire de l’architecture où « le danger de cette appropriation du discours tient à son incapacité à trouver un écho dans la pratique. » (Dadour 2020, 97) Les innovations discursives « portent un regard critique mais sont très loin de proposer une stratégie architecturale ou un projet de bâti. » (Dadour 2020, 98) Dès lors, dans un contexte d’hybridation progressive des supports mémoriels (Barbut 2020, 117), notre méthodologie par le prisme de l’analyse des discours évolue vers une méthodologie « par le faire », « par le projet » axée sur les manières de « faire histoire », pour ainsi développer des stratégies comme ressources du projet architectural, archivistique, voire muséal, sans les réduire à une pratique textuelle (Dadour 2020, 99). Dans la volonté du CIVA (Hirsch, Krzykowski, et Libert 2021; Hirsch 2024), Centre International pour la Ville, l'Architecture et le paysage, de porter un éclairage sur Guillissen-Hoa, figure importante du second modernisme belge, les négociations avec Jean-Pierre Hoa, fils de Guillissen-Hoa et dépositaire des archives de l’architecte, ont abouti, courant 2023, à l’acquisition par le CIVA du fonds Simone Guillissen-Hoa, jusqu’ici privé. Cette heureuse publicisation n’efface cependant pas les réalités du terrain et de l’histoire dominante qui s’écrit. La carence de fonds portant le nom d’artistes femmes (en ce compris les architectes) dans les archives publiques (moins de 1% pour le CIVA) (Vranken 2021) conjuguée à l’absence d’outils effectifs et de politiques d'acquisition solides afin d’obtenir, d’accompagner, de traiter, etc. - en considérant congrûment les particularités liées au genre de ces artistes et plus spécifiquement des architectes femmes - les dépôts à venir et les rares fonds existants pénalisent doublement et systémiquement les institutions dépositaires.Pour pallier ce dénuement, notre proposition doctorale se pense dès lors comme une ressource à destination de la recherche mais aussi des institutions désireuses de réformer leurs stratégies et leurs modus operandi. A partir d’un cas d’étude, le dépôt du fonds Guillissen-Hoa dans les archives publiques du CIVA, et appuyée par les ressources relevant de la politique des archives (Gérardin-Laverge, Guaresi, et Abbou 2021), nous avons opté pour une méthodologie auto-ethnographique déployée lors d’une résidence au CIVA dans le cadre du programme Research in Residence (CIVA 2023) menée en octobre et novembre 2023. Le choix d’une forme d'écriture auto-réflexive pour dire le dépôt public d’un fonds en train de se faire vise la compréhension des enjeux et la formulation de recommandations en termes de dépôt d’archives. Ces bonnes pratiques sont indispensables au care matériel, au care mémoriel mais également au care relationnel : soin accordé à la préservation des pièces d’archives, soin accordé aux éléments constituant le fonds mais aussi soin accordé (dans les gestes posés et dans les discours) par les et aux passeur·euses de mémoire (dépositaire du fonds principal, détenteur·rices d’archives complémentaires, archivistes, chercheur·euses, directeur du centre d’archives, etc.).La communication rendra ainsi compte de la triangulation (réversible ?) réflexions-actions-discours, des conditions de la résidence (protocoles, soin et restitution de l’enquête, coveillance des intervenant·es, rituels, rapports de pouvoir, etc.), et de ses résultats comme une photographie d’un fonds en train de se faire.