Résumé : La myopie pathologique (PM) définit les complications dégénératives oculaires liées à la myopie. Ces complications, dont le staphylome postérieur (PS), ont un mauvais pronostic. Alors que la prévalence de la myopie augmente, ceci constitue un problème de santé publique et mobilise les chercheurs pour établir leur pathogénie, socle des stratégies préventives.Complication survenant dans 5-22% des yeux myopes forts (séries de 89 à 632 yeux), la cavitation péri-papillaire intra-choroïdienne (PICC) ferait penser à un processus tumoral chez le clinicien non averti. Dans jusqu’à 73.3% des cas, elle est liée à des déficits du champ visuel évoquant un glaucome, source d’incertitude diagnostique. La PICC se trouve toujours sur le bord externe du conus myopique (= atrophie péri- papillaire gamma ; gPPA) et est associée au PS. La discontinuité du tissu bordant la choroïde a été suggérée dans sa pathogénie.C’est dans ce contexte que notre travail a consisté d’abord, grâce aux coupes en Tomographie en Cohérence Optique (OCT) de la région péri-papillaire, à déterminer la prévalence jusqu’alors inconnue de la PICC sur des yeux avec gPPA, sur ceux avec un staphylome péri-papillaire (PPS) et enfin la prévalence de la discontinuité du tissu bordant la choroïde sur les yeux avec PICC.Nous avons trouvé la PICC dans 20.5% des yeux avec PPS et 10.4% des yeux avec gPPA. Nos travaux ont aussi montré que la PICC n’est retrouvée que sur des yeux combinant gPPA et PPS et que seuls 22.73% de ceux-ci ont une PICC. Enfin, tous les yeux avec PICC avaient une discontinuité du tissu bordant la choroïde, suggérant le rôle de facteurs mécaniques dans sa pathogénie.Il avait déjà été suggéré que la PICC est un décollement de la supra-choroïde. Comme seuls 22.73% des yeux combinant gPPA et PPS présentaient une PICC, nous avons recherché la différence à l’aide de coupes OCT, dans l’aspect des structures profondes péri-papillaires des yeux combinant gPPA et PPS selon la présence ou pas de la PICC. Les yeux avec une seule, ou aucune des entités ont servi de témoins.Des pôles vers la papille, nous avons trouvé des spécificités péri-papillaires profondes propres à chaque entité. Dans les yeux combinant les 2 entités, ces spécificités interfèrent et aboutissent dans les yeux avec PICC et seulement dans ceux-ci, au clivage structurel entre la choroïde et la supra-choroïde. Nos travaux ont donc ainsi définitivement établi que la PICC est un décollement de la supra-choroïde.Par ailleurs, des études précédentes avaient établi que les gaines du nerf optique, trop courtes ou peu élastiques pour permettre un mouvement oculaire sans contrainte, induisent des déformations péri-papillaires intermittentes pendant les mouvements oculaires, surtout l’adduction. Il a donc été suggéré que les mécanismes physiopathologiques sous-tendant la survenue de l’gPPA (et la dysversion papillaire) impliquent cette biomécanique de la région péri-papillaire.À l’instar de cette hypothèse pathogénique de l’gPPA, évoquant la fixation au long cours des déformations intermittentes, par remodelage tissulaire, nous avons suggéré les mêmes phénomènes pour la PICC : la traction intermittente de la frange sclérale amincie la déforme en arrière ; La choroïde entre les deux s’épaissit par étirement et finit par se désinsérer de la sclère, ce qui définit la PICC.Le PPS serait induit par ces mêmes forces. Notre 2e travail suggère donc que les trois entités : PPS, gPPA et PICC résulteraient toutes des forces de traction des gaines du nerf optique sur son insertion sclérale, ce qui devra être confirmé.L’intérêt de la PICC réside dans les déficits du champ visuel qui lui sont attribués et qui, pour corser les choses, évoquent ceux du glaucome, la première cause de cécité irréversible dans le monde. Ils seraient aussi liés aux contraintes péri-papillaires.Dans cette l’hypothèse, la prévalence des déficits du champ visuel dans les yeux combinant gPPA et PPS pourrait être plus élevée dans le sous-groupe avec PICC que dans celui sans PICC. D’autres facteurs comme l’index d’ovalité qui quantifie la dysversion papillaire (liée à l’gPPA) pourraient aussi différer dans les 2 sous-groupes.Notre dernière étude a montré que dans le sous-groupe des yeux combinant gPPA et PPS, les déficits du champ visuel sont significativement plus prévalents dans celui avec que sans PICC et que le seul facteur les discriminant est l’index d’ovalité, significativement plus petit dans les yeux avec PICC, signifiant qu’ils sont plus déformés. Les facteurs induisant un impact différent des forces promotrices mentionnées plus haut, entre les 2 groupes restent à clarifier.Ainsi, les forces de traction des gaines du nerf optique induiraient l’apparition du PPS en plus de l’gPPA et de la PICC. Comme les forces liées à ces gaines atteignent celles des muscles oculo-moteurs qui eux aussi s’insèrent sur le globe, j’ai discuté dans un article récent, du principe des déformations potentiellement induites sur le globe par toute structure qui s’y insère.Les perspectives découlant de nos résultats sont donc prometteuses pour la compréhension globale du PS et ouvrent une voie de recherche dans la pathogénie du PS, cette complication de la myopie qui reste peu comprise alors que sa présence dans un œil en assombrit significativement le pronostic.