Résumé : Le cisplatine est un agent chimiothérapique utilisé de longue date dans plusieurs types de cancer. Son accumulation au sein des cellules tubulaires proximales rénales induit, chez environ un tiers des patient traités, une atteinte rénale aiguë potentiellement irréversible, conduisant à une fibrose interstitielle et une maladie rénale chronique, imposant l’arrêt du traitement. Seule l’hydratation et l’utilisation d’alternatives au cisplatine sont considérées comme procédés néphroprotecteurs. Le présent travail a pour but l’identification de propriétés prophylactiques de champignons médicinaux. Pour ce faire, les extraits méthanoliques de cinq espèces appartenant au genre Ganoderma P. Karst. ont été étudiés, in vitro, en prétraitement d’une heure avant une exposition au cisplatine (20 µM), sur des cellules épithéliales du tubule proximal humain (HK-2). L’étude porte sur l’activité de prévention de la mortalité cellulaire : viabilité cellulaire, mesure de l’apoptose et son induction (p53, caspase-3, cytochrome C) ; le potentiel antiinflammatoire (IL-6, NFκB, KIM-1) ; l’activité antioxydante (essai au DPPH et surproduction d’EROs) ; l’homéostasie du calcium et la translocation de la β-caténine. La composition des extraits a été étudiée dans un second temps par un screening phytochimique ; la détermination du contenu en triterpènes et composés phénoliques ; une déréplication par CCM-SM et le dosage de l’acide ganodérique A ; une analyse métabolomique et finalement une identification des composés supposés actifs (études statistiques comparative entre les extraits actifs et non actifs).Les résultats ont montré que les extraits méthanoliques de G. tuberculosum et G. parvigibbosum (10 µg/mL), ainsi que leur association (5 + 5 µg/mL) permettent de prévenir significativement la mortalité cellulaire induite par le cisplatine, et ce en diminuant l’apoptose et sa voie de signalisation. Par ailleurs, l’extrait méthanolique de G. parvigibbosum montre une activité antioxydante (CI50 = 13,8 ± 0,7 µg/mL) et permet d’empêcher la translocation de la β-caténine. L’étude du contenu chimique a mis en évidence la présence de triterpènes dans les extraits et de neuf métabolites potentiellement actifs. Parmi ceux-ci, la 6-hydroxycoumarine a été identifiée pour la première fois dans ces extraits. Utilisée en prétraitement d’une heure, avant exposition au CisPt, sur des cellules HK-2 exposées, la 6-hydroxycoumarine (10 µg/mL) a démontré une activité biologique néphroprotectrice, sans induire de toxicité.