Résumé : Au Bénin, peu de personnes handicapées bénéficient d’un accès équitable aux soins de santé en général et aux soins de réadaptation en particulier. Nombreux sont les obstacles qui limitent l’accès et l’utilisation des services de réadaptation aux personnes en situation de handicap moteur. Pour la frange d’entre elles qui finit par accéder aux services, elles devront faire face à un dilemme : supporter les coûts des prestations pour recevoir des soins dans un service de réadaptation à l’hôpital sinon, lorsqu’elles n’en ont pas les moyens, se contenter de la réadaptation à base communautaire où la qualité du service offert n’est pas forcément à la hauteur des attentes des usagers. Face à cette situation qui compromet le droit à la santé de la personne handicapée, ainsi que sa participation à la vie et au développement, l’étude sur les obstacles à l’utilisation des services de réadaptation par les personnes porteuses d’un handicap moteur, a été réalisée.Il s’agit d’une étude d’observation transversale à visé analytique qui a inclus 318 participants. Parmi eux, 37.4% ont une Infirmité Motrice Cérébrale (IMC), 30.8% portent des séquelles d’hémiplégie, 11.3% ont des blessures médullaires, 11% portent des amputations de membres et 9.5% des séquelles de poliomyélite. On note que 58.8% des participants sont âgés de plus de 18 ans, 56.9% sont des hommes et 31% ne sont pas instruits. L’analyse des résultats a permis d’élucider trois aspects clés : le parcours de la personne handicapée (PH) admise aux soins de réadaptation à l’hôpital ; les facteurs associés au démarrage immédiat ou non des soins de réadaptation ; les facteurs associés à l’utilisation optimale ou non des services de réadaptation. De cette étude, il ressort que :- Sur les 318 PH incluses, 207 ont suivi leurs soins de réadaptation à l’hôpital. Parmi ces dernières, 39% n’avaient pas été immédiatement informées de l’existence des soins de réadaptation. Près de la moitié (48%) d’entre elles n’avaient pas pu démarrer immédiatement les soins et le tiers (34%) des participants n’ont pas interrompu les soins après les avoir démarrés. Sur les 207 PH suivi à l’hôpital seulement 63 (soit 30%) ont déclaré être en mesure de terminer les soins de réadaptation qui leur ont été prescrits.- En analyse bivariée, les variables qui sont significativement associées au démarrage immédiat ou non des soins de réadaptation sont de trois groupes.Le premier groupe concerne les variables ayant trait à la « connaissance des soins de réadaptation » et cette connaissance a été appréciée dans cette étude à travers quatre variables que sont : l’information sur les soins de réadaptation (p <0,0001) ; le niveau d’instruction de la PH (p=0,042) ; le niveau socio-économique de la PH (p=0,014) ; le type de réadaptation suivi (RBC/ hôpital) (F<0,0001).Dans le second groupe, il s’agit des variables relatives à la « représentation socio-culturelle du handicap » notamment la perception objective de la cause du handicap par la PH elle- même (p=0,03) et la perception objective de la cause du handicap par l’entourage de la PH (p=0,05).Quant au troisième groupe, il inclut les variables relatives à la « dépendance d’aidant proche » et englobe : l’âge de la PH, (p <0,0001) ; la nature de son handicap (p=0,001) ; le lien de parenté entre la PH et son aidant proche (F=0,005).De la régression logistique simple effectuée, il se dégage que les facteurs significativement associés au démarrage des soins de réadaptation chez les personnes handicapées moteur de cette étude sont : l’âge, le niveau socio-économique du ménage de la PH, le niveau d’instruction et la nature du handicap. Ajusté pour les autres variables, c’est l’âge (PH des tranches d’âge inférieures) et le niveau socio-économique bas qui déterminent le risque de démarrer tardivement les soins de réadaptation.- En ce qui concerne l’utilisation des services de réadaptation par les PH de cette étude, de la régression logistique simple, il ressort que les facteurs significativement associés à l’utilisation optimale ou non des soins de réadaptation à l’hôpital sont au nombre de neuf. Le niveau d’instruction (p=0,019) ; la situation matrimoniale de la PH (p=0,029) ; le bénéfice d’une couverture de soins (p=0,002) ; le niveau socio-économique de la PH (p<0,0001) ; la nature du handicap (p=0,037) ; la dépendance pour aller aux soins (p=0,004) ; le niveau global de dépendance de la PH (p=0,005) ; le moyen de déplacement approprié/personnel (p=0,014) et le report des soins pour des raisons financières (F<0,001). Ajusté pour les autres variables, c’est le niveau socio-économique supérieur, la faible dépendance d’un aidant proche (tant à domicile que pour aller aux soins) et le fait de ne jamais devoir reporter des soins pour des raisons financières qui déterminent l’utilisation optimale des soins de réadaptation offerts à l’hôpital.Cette étude met en relief le parcours de soins et les facteurs qui déterminent le démarrage immédiat et l’utilisation optimale des soins de réadaptation par les personnes avec un handicap moteur au Bénin. Elle apporte aux décideurs politiques, aux organisations de personnes handicapées, aux organisations non gouvernementales et institutions qui interviennent dans le domaine du handicap ainsi qu’aux organisations des professionnels de la réadaptation, des évidences sur lesquelles devront être axées les actions futures à entreprendre dans ce domaine pour l’effectivité de la couverture sanitaire universelle.