par Manya Mboni, Henry ;Bakari, Salvius Amuri;Compaoré, Moussa;Kahumba, Byanga Joh;Duez, Pierre ;Lumbu Simbi, Jean-Baptiste ;Stévigny, Caroline
Référence Assises Internationales des Médecines traditionnelles (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) (1: 18-19/10/2023: Dakar, Senegal)
Publication Non publié, 2023-10-18
Référence Assises Internationales des Médecines traditionnelles (Université Cheikh Anta Diop de Dakar) (1: 18-19/10/2023: Dakar, Senegal)
Publication Non publié, 2023-10-18
Communication à un colloque
Résumé : | P. chevalieri (Asteraceae) est utilisé en médecine traditionnelle contre le paludisme à Bukavu et à Uvira en RDC. Cette étude rapporte pour la première fois son activité antiplasmodiale et l'isolement chromatographique bio-guidé de certains de ses métabolites secondaires. De plus, sa propriété antioxydante et son effet cytotoxique ont été étudiés. La plante à l’étude a été sélectionnée sur base des enquêtes ethnobotaniques menées sous-forme d’interview directe auprès de 32 tradipraticiens des 2 villes précitées. Les extraits de feuilles de la plante obtenus par percolation suivant une polarité croissante des solvants ont été testés in vitro sur les souches plasmodiales chloroquinosensibles (3D7) et chloroquinorésistantes (W2) par la mesure du plasmodium lactate déshydrogénase. Leur cytotoxicité a également été testée par MTT sur les kératinocytes HaCat alors que leur pouvoir antioxydant a été effectué selon les méthodes au DPPH et FRAP. Le fractionnement bioguidé et l’isolement ont été entrepris par chromatographie. La structure de la molécule isolée a été établie par spectroscopie RMN et de masse. L’extrait méthanolique s’est révélé le plus actif sur les 2 souches plasmodiales testées (CI50 < 7 µg/ml) et non cytotoxique avec un pouvoir antioxydant intéressant. Son fractionnement bioguidé a permis d’isoler une molécule active (CI50 < 5 µg/ml) identifiée comme étant la rutine. La présence de la rutine dans P. chevalieri pourrait expliquer à la fois ses activités antiplasmodiales et antioxydantes, par conséquent son utilisation comme antipaludéen. |
IntroductionCette étude a été entreprise afin de contribuer à la lutte contre le paludisme et de valoriser par des preuves scientifiques les connaissances ancestrales sur les plantes médicinales congolaises à vertus antipaludéennes. Elle part de travaux d’enquête ethnobotanique effectuée à Bukavu et Uvira au Sud-Kivu en RDC jusqu’aux analyses au laboratoire en rapport avec les tests d’activités antiplasmodiale et antioxydante d’une plante sélectionnée parmi 45 plantes enregistrées au cours des enquêtes tout en évaluant sa cytotoxicité sur des cellulaires humaines, et met en évidence également les différents constituants phytochimiques de cette plante et permet l’isolement d’un flavonoïde probablement responsable de ses effets pharmacologiques étudiées.État de l’artDans la quête de nouveaux médicaments antipaludéens, l’approche ethnobotanique est une alternative très crédible pour trois raisons suivantes : (i) les résultats remarquables de travaux antérieurs tant dans la mise au point de médicaments traditionnels améliorés comme Manalarial 5® [1] et la découverte de médicaments modernes à partir des plantes médicinales à l’image de la quinine, isolée de Cinchona officinalis L. [2] et de l’artémisinine, isolée de Artemisia annua L. [3] ; (ii) les habitudes socio-culturelles qui justifient un grand recours à la médecine traditionnelle dans le traitement du paludisme [4] ; (iii) l’accessibilité physique et économique qu’offre la médecine traditionnelle [5]. Selon la littérature sur les plantes antipaludéennes africaines, les familles botaniques telles que Asteraceae, Combretaceae, Fabaceae et Rubiaceae se sont illustrées [6,7] et les groupes phytochimiques comme des alcaloïdes, terpénoïdes, flavonoïdes et stéroïdes se sont révélés très prometteurs [8]. En RDC, des études ont été menées sur des plantes antipaludéennes dans plusieurs provinces [4,9]. Cependant, au Sud-Kivu (surtout à Bukavu et Uvira), peu de travaux se sont intéressés à cette catégorie des plantes médicinales [10].ProblématiqueLe paludisme est un grand fléau sanitaire de l’humanité [11]. En 2020, 241 millions cas avec 627 000 décès ont été enregistrés [12]. La région africaine de l'Organisation mondiale de la santé représentait 93 % de tous les cas du paludisme dont 40 % de cas se trouvaient au Nigéria (25 %) et en République démocratique du Congo (15 %) [14]. Dans ce dernier pays, on constante une recrudescence des cas allant de 60,644 milles en 2006 à 97,2 millions des cas en 2018 [13]. A Bukavu, 52403 cas ont été enregistrés en 2017 [10]. A côté de cette forte prévalence en constante augmentation, on note malheureusement une faible accessibilité aux soins de santé primaire [10] et une émergence des résistances concernant à la fois le vecteur et le parasite [14]. De surcroit, le vaccin RTS, S®, en voie d’être mis sur le marché, n’offre qu’une protection très modeste de l’ordre de 30 % [15] ; d’où, il s’avère nécessaire de trouver de nouveaux antipaludéens efficaces et abordables.MéthodologieL’étude a débuté par une enquête ethnobotanique de plantes antipaludéennes de Bukavu et Uvira en RDC. Elle a ensuite étudié les effets biologiques et la composition chimique de P. chevalieri (Asteraceae), plante issue de ces travaux d’enquête et sélectionnée sur base d’absence des études antérieures. L’enquête a été menée sous-forme d’interview direct [16] et l’identification des plantes a été faite d’abord sur terrain par les tradipraticiens et un ingénieur agronome. Des herbiers ont été déposés à l’INERA-Kipopo à Lubumbashi (RDC) et au Jardin botanique de Meise (Belgique) pour la confirmation de l’identité. La poudre des feuilles de P. chevalieri a été soumise à une extraction par percolation suivant une polarité croissante des solvants (n-hexane, dichlorométhane, acétate d’éthyle et méthanol). Ces extraits ont été testés in vitro sur les souches plasmodiales chloroquinosensibles (3D7) et chloroquinorésistantes (W2) par la mesure du plasmodium lactate déshydrogénase [17]. Leur cytotoxicité a également été testée par MTT sur les kératinocytes HaCat [17] et leur pouvoir antioxydant a été évalué selon les méthodes recourant au DPPH et au FRAP [18]. Le criblage phytochimique préliminaire a recouru aux méthodes standards et les analyses GC-MS ont eu recours à un appareil équipé d'un système Thermo Scientific Trace GC Ultra avec DSQ II. Le fractionnement bioguidé et l’isolement ont été fait par chromatographie. La structure de la molécule isolée a été établie par spectroscopie RMN et de masse.Résultats obtenusL’enquête ethnobotanique effectuée auprès de 32 tradipraticiens (sexe-ratio H/F=1,7) les plus connus à Bukavu et Uvira a permis de recenser 45 espèces végétales appartenant à 41 genres et 21 familles utilisées pour le traitement du paludisme. Ces plantes entrent dans la préparation de 52 recettes, dont 25 recettes multi-plantes et 27 recettes mono-plantes. Les familles les plus représentées sont Astéraceae (26%), suivie des Fabaceae (16%) et des Rubiaceae (9%). Pour la majorité des plantes, les recettes sont préparées à partir des feuilles sous forme de décoction et administrées par voie orale. L'extrait au méthanol de P. chevalieri a montré les effets antiplasmodial (CI50=3,4 ± 0,7 μg/ml pour 3D7 et CI50=6,9 ± 1,2 μg/ml pour W2) et antioxydant (CI50=2,5 ± 0,2 μg/ml pour le test au DPPH et 7,6 ± 1,1 EAA/g pour le test FRAP) intéressants. Tous les extraits étaient non cytotoxiques (CI50 > 100 µg/ml) sur les cellules HaCat. Le criblage phytochimique préliminaire a permis la mise en évidence des flavonoïdes dans tous les extraits excepté celui du n-hexane et le fractionnement bioguidé de l'extrait au méthanol a conduit à l'isolement d’un composé flavonoïdique actif (CI50 <5 µg/ml) identifié comme étant la rutine après analyses spectrales en comparaison avec le standard et la littérature. Les analyses GC-MS de l’extrait au méthanol ont révélé la présence de 22 autres composés phytochimiques en l’occurrence le 2-(3,4-Dimethoxyphenyl) éthanol et l’acide palmitique, avec respectivement 33,68 et 37,92 min comme temps de rétention.DiscussionPlus de la moitié des plantes mentionnées par les répondants appartiennent aux familles des Asteraceae, Fabaceae et Rubiaceae, trois familles souvent rapportées et connues pour leurs plantes antipaludéennes [19]. Par comparaison avec la littérature, cette étude constitue un premier rapport scientifique sur l’usage de plantes médicinales dans la lutte contre le paludisme à Uvira ; une enquête ethnobotanique étant déjà réalisée sur les plantes antipaludéennes de Bukavu par [4]. L’étude vient d’ajouter sept espèces végétales à la base des données des plantes médicinales à vertu antipaludéenne, y compris P. chevalieri (Asteraceae). En rapport avec cette plante, aucune donnée de la littérature n’a déjà rapporté les connaissances scientifiques sur ses effets pharmacologiques intéressants et sa composition chimique. Certains de ses composés sont connus comme antiplasmodiaux à l’image de la rutine [20] qui a été isolée et caractérisée pour la première fois dans cette plante. Et aussi, parmi les acides phénols identifiés par GC-MS pour la première fois dans P. chevalieri, l’acide caféique et l’acide protocathéchique sont doués des propriétés antimalariques [21].ConclusionL’étude révèle que les populations de Bukavu et Uvira utilisent les plantes médicinales en cas du paludisme, à l’image de P. chevalieri. Les analyses biologiques et phytochimiques de cette plante ont montré que l’extrait au méthanol de ses feuilles possède un effet antipaludéen et contient des flavonoïdes, telle que la rutine, et des phénols à activité antiplasmodiale, justifiant ainsi son utilisation traditionnelle par la population locale en RDC. Tout en étant un premier rapport d'études antiplasmodiales et phytochimiques sur cette plante médicinale, des essais d’activités antiplasmodiales in vivo et ceux toxicologiques sont également à envisager.Références Bibliographiques[1] DIALLO Drissa, MAÏGA Ababacar et al., 2004, « Malarial-5 : Development of an antimalarial Phytomedecine in Mali », in WILLCOX Merlin, BODEKER Gerard and RASOANAIVO Philippe, Traditional medicinal plants and malaria, CRC Press: Washington DC, pp 117-130.[2] MCCARTHY James, PRICE Richard, 2015, « Antimalarial Drugs », in Bennett John, DOLIN Raphael, BLASER Martin, Edition Mandell, Douglas, and Bennett's Principles and Practice of Infectious Diseases (8th ed), Saunders- Philadelphia, USA : 495-509.e5. 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