par Sizaire, Laure
Référence Trajectoires et mobilités de genre (Novembre 2022: Université Paris Dauphine)
Publication Non publié, 2022-11
Référence Trajectoires et mobilités de genre (Novembre 2022: Université Paris Dauphine)
Publication Non publié, 2022-11
Communication à un colloque
Résumé : | Cette proposition de communication repose sur une enquête doctorale qui a cherché à comprendre l’existence d’une attraction matrimoniale internationale genrée touchant les conjugalités franco-postsoviétiques. Parmi les couples vivant en France, on observe que dans 95 % de cas, ces conjugalités impliquent en effet un homme français et une femme russe. De façon similaire, dans les pays postsoviétiques, en Russie, en Ukraine, au Belarus mais aussi en Roumanie et en Hongrie, rares sont les femmes françaises engagées dans une union avec un homme sur place tandis que la situation inverse apparait courante. Mon propos ici voudrait s’attarder précisément sur le cas d’hommes français ayant migré dans ces pays et vivant en couple avec une femme russe ou bélarusse dans la mesure où leurs parcours incarnent empiriquement des mobilités de genre.Migrer dans un autre pays implique de changer de système normatif et d’appréhender un nouvel ordre social et, par conséquent, un nouvel ordre de genre. Chaque société possède en effet un système sexe/genre spécifique au sein duquel être un homme ou une femme implique d’avoir des comportements descriptibles pour être perçu·es comme tel·les. En migrant, les comportements attendus selon que l’on appartienne à l’une ou l’autre catégorie de sexe ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux préconisés dans le pays de départ. En l’occurrence, les pays postsoviétiques possèdent une histoire commune qui a contribué à façonner certains régimes de genre et d’intimité qui diffèrent de ceux qui ont cours en France. De ce fait, les configurations de la pratique de genre, autrement dit la masculinité et la féminité, ne sont pas les mêmes dans ces deux pays. Que se passe-t-il alors lorsque les comportements de genre ne répondent pas aux normes de la société d’arrivée ? Comment ces accidents de l’interaction sont-ils résolus, pris en charge par les individu·es ? Quelles conséquences ces manquements et leurs réprimandes entrainent-ils sur les parcours de ces hommes, sur leur vie conjugale et, in fine, sur leur projet de genre ?En se déplaçant d’un pays à un autre, les hommes français étudiés développent des compétences analytiques et réflexives sur le genre. En comparant systématiquement les deux sociétés à partir de leurs expériences singulières, ils deviennent capables de mettre en mot les normes et les règles pratiques des régimes de genre, du pays d’où ils viennent et de celui dans lequel ils se sont installés. De là, ils peuvent devenir des sortes d’experts du genre qu’ils décrivent avec minutie mais s’ils se livrent à de tels procédés, ils le font pour des raisons pratiques. Deux cas seront mobilisés pour illustrer le passage d’un régime de genre à un autre, celui de Nicolas et d’Étienne, deux hommes qui ont fait le choix (et tous ne le font pas) de réformer leur masculinité pour la rendre conforme au régime de genre du pays d’installation. Le travail accompli par ces enquêtés pour « passer » témoigne avec force des déplacements qui peuvent intervenir dans l’espace du genre à l’échelle d’une vie tout en révélant le rôle de la migration transnationale dans ces transformations. |