Résumé : La présente thèse étudie, sous un angle interdisciplinaire, la manière dont le théâtre yiddish moderne à son apogée pendant la période de l’entre-deux-guerres, représente et met en spectacle la yidishkeyt – la judéité (litt. ‘yiddishité’) des Juifs ashkénazes yiddishophones d’Europe de l’Est – sur les scènes de l’Ouest, en l’occurrence celles de Paris, considérée alors comme la capitale occidentale de l’art et du divertissement. L’étude approfondie des actants (artistes, publics, salles de spectacle), du répertoire, de la dramaturgie et des codes théâtraux vise à cerner, plus spécifiquement, le caractère transnational et diasporique de cette identité culturelle à travers sa théâtralisation, sa performance et sa réception lorsqu’elle quitte, au fil des migrations, son espace d’ancrage pour investir un territoire nouveau, souvent hostile. La conception du théâtre yiddish comme système socio-culturel occupant une place à la fois autonome et dialogique par rapport à la culture théâtrale française permet d’analyser ce théâtre hautement mobile, réseauté et fédérateur, et d’appréhender les transferts culturels de part et d’autre à travers le regard d’un public juif et non-juif. Cette double perspective éclaire à la fois l’idiosyncrasie et la polyvalence de la yidishkeyt théâtrale, ainsi que son affinité indéfectible avec la mémoire collective et ‘nationale’ du peuple juif, sinon avec le judaïsme lui-même.