par Masquelier, Juliette
Référence Modernités sexuelles. Colloque annuel d'EUREL (12-13/10/2023: Université de Lausanne)
Publication Non publié, 2023-10-13
Référence Modernités sexuelles. Colloque annuel d'EUREL (12-13/10/2023: Université de Lausanne)
Publication Non publié, 2023-10-13
Communication à un colloque
Résumé : | Cette communication aborde les prémices de la « modernité sexuelle », en examinant les attitudes de catholiques belges face à l’évolution des normes sexuelles au tournant des années 1950 à l’aune d’une question très actuelle : celle du consentement sexuel conjugal. Sur base d’un corpus de manuels de pastorale familiale, je montrerai dans un premier temps comment l'émergence d'un idéal sexuel d'« harmonie physique » au début des années 1950 a conduit des moralistes catholiques à remettre en cause la notion traditionnelle de « devoir conjugal » au profit d'une valorisation de la réciprocité du désir et du plaisir entre époux, et comment cet idéal s’appliquait différemment aux hommes et aux femmes. L'analyse d’un corpus de lettres échangées entre des couples lecteurs de la revue catholique Feuilles Familiales et des conseillers conjugaux mettra en lumière dans un second temps la réception de ces nouvelles normes, très genrée elle aussi : l’idéal d'harmonie physique proposé par les moralistes est utilisé principalement par les hommes pour tenter d’associer les épouses à leur plaisir sexuel, et mobilisé dans les courriers des femmes pour reformuler les difficultés qu’elles rencontrent dans leur couple. En effet, dans un contexte où l’interdit de la contraception est encore majoritairement suivi par les couples qui correspondent avec la revue, les coûts et les risques de la recherche de l'harmonie physique sont inégalement répartis selon le genre. Les échanges montrent également que pour préserver l’harmonie du couple tout en apportant une réponse pastorale au « problème » de la fraude conjugale, les moralistes opèrent une dissociation entre consentement moral et sexuel : ils incitent les épouses à accepter la sexualité demandée par les maris, tout en formulant leur refus du péché face à Dieu. L'analyse des courriers révèle l'intégration par les femmes de ce rôle dans la moralisation de la sexualité masculine, mais aussi les multiples autres raisons qui les poussent à accepter ou à solliciter des relations sexuelles, parmi lesquelles le désir ou le plaisir sont loin d'être les seules considérations. Ainsi, je veux montrer que si l’idéal d'harmonie conjugale a certainement conduit de nombreux couples à accorder plus d'importance au désir et au plaisir de leur partenaire, elle a aussi créé son lot de tensions et de difficultés dans d'autres couples, surtout lorsqu'elle se conjuguait avec l'interdiction religieuse de la contraception. En faisant du désir et du plaisir des motifs essentiels de la sexualité féminine aux yeux des hommes, l’idéal d’harmonie physique a exercé une pression nouvelle sur les couples catholiques, et en particulier sur les femmes. |