Résumé : La principale hypothèse de cette étude est que le fait d’être doté d’un corps différent - ici un handicap reconnu par l’administration et la personne interrogée - constitue un frein à la rencontre amoureuse. Cette hypothèse implique que :- les personnes en situation de handicap entrent moins fréquemment en relations amoureuse, conjugale ou sexuelle que les personnes valides ;- que cette hypothèse varie selon le degré de handicap ;- que cette hypothèse dépend de la façon d’accepter, d’intégrer le handicap à son identité ;- qu’elle dépend de la qualité du handicap : acquis ou de naissance.Le matériau d’enquête se compose d’entretiens réalisés soit en face en à face, soit par téléphone et se fondant sur le principe du recueil d’histoires de vie. Le guide d’entretien était composé principalement de questions sur les relations amoureuses et la vie de couple (si elle existe) de femmes ou d’hommes qui se reconnaissent comme étant en situation de handicap. Pour trouver ces personnes, différents appels ont été passés, par l’intermédiaire de différents médias : par une section départementale de l’Association des Paralysés de France (A.P.F.) ; par une association d’écoute destinée aux personnes en situation de handicap ; par des appels diffusés sur des sites Internet de rencontre – en créant notre propre annonce ou avec la complicité des concepteurs du site ; par des appels sur des forums Internet sur le sujet du handicap et/ou de l’amour et du handicap ; mais aussi par notre réseau personnel. (Pour une présentation des différents appels, cf. annexe I.2.). La sélection des individus interrogés réside dans le fait que la personne, après lecture de notre appel, où il est évoqué clairement « la recherche de personnes en situation de handicap », puisse se sentir assez concernée pour répondre à nos questions.La campagne d’entretiens s’est déroulée entre janvier 2011 et juin 2011. Les entretiens oscillent entre une durée de 30 minutes à 3 heures, la moyenne étant d’environ 1 heure 30. Des noms d’emprunt ont été donnés à chacune des personnes interrogées. Nous ne précisons ni la ville ni les noms des éventuelles associations par lesquelles nous sommes passés pour les atteindre. Mais avant cela, une première vague d’entretien s’est déroulée grâce à des recrutements par Internet - via différents réseaux sociaux (pages Facebook d’association, Twitter et autres forums de discussions d’associations de lutte contre le handicap). Ces interviews de prime abord avaient essentiellement valeur d’entretiens exploratoires. Mais ils ont été intégrés au corpus. Si, au départ, nous pensions plutôt tester notre grille d’entretien par cet intermédiaire, les informations qui en sont issues se sont avérées tout à fait heuristiques. Le fait que l’entretien ne se déroule pas en face à face fait perdre forcément des informations – des façons de se comporter, des façons d’être, une idée plus précise de ce que peut être le handicap d’apparence décrit. Mais il présente aussi plusieurs avantages, et notamment, la possibilité de multiplier à moindres frais – en temps, en argent – les entretiens, dans toute la France. Pour les entretiens ne se déroulant pas en face à face, l’identité de l’interviewé et de l’intervieweur sont bien en jeu – ce qui laisse à penser que les propos tenus peuvent être pris au sérieux. En effet, le chercheur est à chaque fois présenté aux interviewés, - par ses intermédiaires ou par ses propres soins - comme « Pierre Brasseur, étudiant en sociologie à l’université de Lille », et menant une « recherche scientifique ». Ainsi nous n’étions pas considérés comme un éventuel partenaire ou un voyeur trop curieux ; et le rattachement à un statut et à une institution permettait une identification efficace. Même si la fiabilité de l’entretien par téléphone est questionnée par l’immatérialité de la rencontre et de l’entretien – qui se déroule sans coprésence corporelle - les entretiens se sont avérés particulièrement suggestifs. En effet ces personnes n’ont pas d’intérêt à mentir. Elles se livrent, donnent des informations, entrent en contact avec nous par l’intermédiaire de profils sur lesquels il y a des informations sur leurs identités. Même si nous ne procédons pas à un recoupement des informations par la suite, le réseau virtuel d’interconnaissance et les enjeux de réputation sur ces mêmes réseaux sont importants et nous laissent à penser que ces entretiens restent fiables.