Résumé : Les récepteurs olfactifs (OR) constituent la plus grande famille de récepteurs couplés aux protéines G (RCPG). L'intérêt croissant pour l'étude de ces récepteurs en dehors de la sphère olfactive a apporté des informations concernant l'expression des OR et leurs fonctions potentielles dans plusieurs tissus, tels que la peau, le cœur ou l'intestin. Au départ de ce projet, deux OR particuliers, nommés OR51E1/Olfr558 et OR51E2/Olfr78 (orthologues humain/souris), avaient été montrés comme étant exprimés dans certains sous-types de cellules entéroendocrines (EEC) de l’intestin. Les EEC jouent un rôle majeur dans la régulation du métabolisme global et de l’homéostasie intestinale grâce à la sécrétion d’hormones telles que GLP-1, PYY, ou encore la sérotonine aussi nommée 5-Hydroxytryptamine (5-HT). Il a été proposé que ces deux ORs, répondant aux acides gras à chaîne courte produits massivement par le microbiote intestinal, seraient impliqués dans la sécrétion des hormones EEC. Afin de mieux comprendre le rôle biologique potentiel de ces deux ORs dans l’intestin murin, nous avons d’abord étudié le profil d'expression complet de ces récepteurs le long du tractus digestif, en particulier celui de Olfr78. Nous avons montré que leur expression était principalement restreinte aux cellules épithéliales et mésenchymateuses du côlon. Ensuite, grâce à l’utilisation de la lignée murine transgénique rapportrice Olfr78-GFP dite « knock-in/knock-out » pour le récepteur Olfr78, nous avons pu étudier le profil transcriptomique des cellules épithéliales coliques exprimant Olfr78 et avons montré qu'il s’agit de cellules neuroendocrines de deux sous-types de EEC : les cellules L capables de produire du GLP-1 et du PYY et les cellules entérochromaffines (EC) sécrétant 5-HT. Ces dernières cellules sont enrichies en marqueurs présynaptiques et coexpriment l’OR Olfr558. En outre, nous avons démontré que la différenciation terminale des cellules EC, mais pas celle des cellules L, était déficiente chez les souris Olfr78-GFP invalidées pour Olfr78. Ce phénotype a également été confirmé sur une nouvelle lignée de souris désignée Olfr78floxflox, pour laquelle une invalidation conditionnelle de l'expression d'Olfr78 a été obtenue dans l'épithélium intestinal par croisement avec la lignée murine Vilcre/+. De plus, nous avons observé des modifications du microbiote ainsi que du transcriptome des cellules épithéliales du côlon, caractérisé par une expression réduite de gènes antioxydants chez les souris Olfr78-GFP déficientes pour le récepteur. Par ailleurs, ayant détecté une altération de la différentiation des EC dans les souris Olfr78-déficientes dans un régime alimentaire normal, et sachant que ces cellules jouent un rôle dans le métabolisme global, nous avons alors étudié le phénotype potentiel des souris Olfr78-GFP déficientes pour ce récepteur après les avoir soumises à un régime riche en matières grasses pendant 6 mois. Dans ces conditions, les souris invalidées pour Olfr78 sont apparues plus intolérantes au glucose que les souris sauvages, sans pour autant montrer de différence apparente concernant la stéatose hépatique, la masse endocrine du pancréas ou la densité des cellules EEC du côlon par rapport aux souris contrôles. Néanmoins, le phénotype d’intolérance au glucose des souris complètement invalidées pour Olfr78 n’a pu être confirmé dans la lignée murine lorsque Olfr78 n’est invalidé que dans l’épithélium intestinal. Ces données indiquent que la dérégulation métabolique des souris Olfr78-GFP déficientes pour Olfr78 dans les conditions de régime riche en graisses implique d’autres rôles de ce récepteur en dehors de l’intestin, qui restent à explorer. En conclusion, ce travail de thèse a permis d’apporter de nouvelles preuves que le récepteur olfactif Olfr78 exerce des fonctions biologiques en dehors de la sphère olfactive en régulant l’homéostasie intestinale.