Partie d'ouvrage collectif
Résumé : Si on s’en tient à une vision idéaliste qui imprègne une partie de la doctrine, la justice internationale permettrait de régler lesconflits entre Etats en tranchant leurs différends, non pas en fonction de considérations politiques, mais conformément au droit. Dans ce texte, je tente de montrer comment la formalisation juridique induite par la judiciarisation est utilisée par les acteurs de l’ordre juridique international, qu’il s’agisse des Etats mais aussi du juge lui-même. En traduisant un conflit politique dans un langage juridique, on laisse entendre que ce conflit peut être maîtrisé par le droit international ainsi que par le juge, lesquels se voient indirectement légitimés. Par ailleurs, la version de l’histoire formalisée dans le jugement sera ensuite utilisée par les protagonistes du conflit concerné, protagonistes qui poursuivent chacun une « politique judiciaire extérieure ». La formalisation juridique, loin d’y mettre fin, ne fait que transformer les contradictions qui continuent de caractériser la société internationale. Ce texte s’appuie ainsi clairement sur les théories de l’« école de Reims », et plus spécialement sur les travaux de Monique Chemillier-Gendreau sur le temps juridique. Formulés ici sur le sujet spécifique des mesures conservatoires rendues par la Cour internationale de Justice, les enseignements de l’étude pourraient sans doute, dans une certaine mesure, être transposés et adaptés à d’autres volets de la justice internationale.