Résumé : Les tumeurs stromales gastro-intestinales (GIST) sont les sarcomes les plus fréquents du tube digestif et sont généralement associées à des mutations gain de fonction des gènes codant pour le récepteur tyrosine kinase (RTK) KIT ou PDGFRA. Le traitement des GIST localisés est la résection chirurgicale alors qu’en cas de GIST non résécables ou métastatiques, le traitement de première ligne est l’imatinib, un inhibiteur de tyrosine kinase (TKI). Malgré une bonne réponse initiale aux TKI, la plupart des GIST développent des résistances secondaires et continuent de progresser. Malheureusement, les autres TKI développés par la suite n’ont que des effets cliniques assez limités. La recherche de nouvelles cibles thérapeutiques est donc essentielle pour le traitement des GIST résistants dans l’optique de développer des multithérapies. Notre travail de thèse s’appuie sur une publication de notre laboratoire dans laquelle la protéine « Yes-associated protein » (YAP) était identifiée comme un acteur important pour la survie des cellules sensibles (GIST882) et résistantes (GIST48) à l’imatinib. En effet, l’inhibition pharmacologique de la protéine YAP par la verteporfin (VP) entrainait une forte diminution de la viabilité des cellules GIST882 et GIST48. Le laboratoire avait aussi montré une localisation nucléaire de la protéine YAP dans 71% des arrays de tissus humains de GIST, reflétant l’activité transcriptionnelle de YAP dans ces tissus. Cependant, le type de mort cellulaire induite par la verteporfin dans les cellules GIST restait inconnu. De récentes publications ont identifié des liens entre YAP et la ferroptose. La ferroptose est une nouvelle forme de mort cellulaire non apoptotique, résultant d’un déséquilibre entre les dommages oxydatifs, liés au fer et aux radicaux libres oxygénés (ROS, « reactive oxygen species »), et les défenses antioxydantes principalement assurées par l’axe glutathion (GSH) / glutathion peroxydase 4 (GPX4). L’induction de la ferroptose a émergé comme nouvelle approche thérapeutique prometteuse dans les cancers, notamment dans le cancer du sein, mais restait encore inexplorée dans les GIST. Cette thèse a donc eu pour but d’étudier la sensibilité des cellules GIST à l’induction de la ferroptose, mais également d’étudier les différentes caractéristiques de la ferroptose après le traitement avec deux inhibiteurs de YAP, la verteporfin ou le CA3, dans les deux lignées cellulaires GIST. Ce projet a aussi eu pour but d’étudier l’expression du récepteur à la transferrine (TRFC), identifié comme marqueur cancéreux et parfois associé au pronostic, dans des tissus humains de GIST. Enfin, des analyses de corrélation ont été réalisées entre l’expression de TFRC dans les tissus GIST, les différents critères clinico-pathologiques des GIST et l’expression de YAP.Nous avons montré que l’inhibiteur direct de la GPX4, RSL3, diminue drastiquement la viabilité des cellules GIST882 et GIST48 et augmente fortement la peroxydation des lipides. L’antioxydant liproxstatine ou le chélateur de fer deferoxamine empêchent l’augmentation de la peroxydation des lipides induite par RSL3, suggérant que RSL3 est un puissant inducteur de ferroptose dans les cellules GIST. De plus, nous avons montré que la verteporfin et le CA3 induisent la peroxydation des lipides et la ferroptose via une diminution significative des défenses antioxydantes (GSH et GPX4). L’induction de la ferroptose par la verteporfin semble dépendre de l’inhibition de YAP alors que, de manière inattendue, le CA3 semble induire la ferroptose indépendamment de l’inhibition de YAP. Nos travaux ont également montré que TFRC est exprimé dans tous les tissus humains de GIST, ce qui n’avait encore jamais été étudié. Nous avons mis en évidence une corrélation entre une forte expression de TFRC et les GIST associés à un risque élevé de développer des métastases. Enfin, une corrélation a été établie entre l’expression élevée de TFRC, l’expression et l’activation de YAP. En conclusion, ce travail de thèse a permis de mettre en évidence l’induction de la ferroptose comme une stratégie thérapeutique potentiellement intéressante pour le traitement des GIST résistants. Nous avons pu également démontrer que l’inhibition de YAP par la verteporfin induit la ferroptose dans les cellules GIST, alors que le CA3 induit, dans les conditions testées, la ferroptose indépendamment de l’inhibition de YAP. Enfin, grâce à l’étude de l’expression de TFRC dans des tissus humains de GIST, nous avons pu identifier TFRC comme une nouvelle cible thérapeutique dans le traitement des GIST de haut risque ainsi que des GIST dans lesquels YAP est activé.