Résumé : Résumé :La maladie d’Alzheimer (MA) est une maladie neurodégénérative, incurable, composée de deux lésions neuropathologiques : les plaques amyloïdes et les dégénérescences neurofibrillaires (DNF). Ces dernières sont composées de protéines tau hyperphosphorylées qui s’accumulent et s’agrègent dans le corps cellulaire des neurones en formant des filaments torsadés nommés « PHF » en anglais pour « Paired Helical Filaments ». Au cours de l’évolution de la maladie, la progression de la pathologie tau, mise en évidence par la présence des DNF dans le cerveau, semble être dépendante de voies neuroanatomiquement connectées. Cette observation a conduit à l’hypothèse que la protéine tau pourrait se comporter comme une protéine prion. Dans cette hypothèse, les protéines tau anormales doivent être internalisées par les cellules cibles pour opérer un changement physico-chimique des protéines tau endogènes (nucléation), qui, à leur tour acquièrent des caractéristiques pathologiques pouvant être transmises dans de nouvelles cellules (propagation). Néanmoins, contrairement aux prions, le caractère transmissible des protéines tau pathologiques n’a jamais été démontré.Des contaminations iatrogènes de protéines prions ont été reportées ou suspectées à la suite de transfusions sanguines ou de greffes de cornées. Afin d’évaluer les similitudes possibles entre les prions et la protéine tau, nous avons analysé la transmission éventuelle de la pathologie tau par le sang ou à la suite d’une chirurgie oculaire en procédant à des injections intravasculaires ou intraoculaires de PHF-tau, isolés de cerveaux de patients décédés de la MA, dans des souris sauvages (WT) ou transgéniques exprimant une protéine tau et/ou amyloïde humaine sauvage ou mutée.Les capacités de nucléation et de propagation des PHF-tau humains ont été validées in vitro à l’aide d’un modèle cellulaire de détection de l’activité de nucléation de la protéine tau et in vivo en utilisant des injections intracérébrales dans des souris sauvages (WT).L’injection intravasculaire unique de PHF-tau humains a provoqué une exacerbation des pathologies amyloïde et tau ainsi qu’une neuroinflammation, mise en évidence par une activation des astrocytes et des cellules microgliales, dans des souris 5xFAD. Ces souris transgéniques développent des plaques amyloïdes dans le cerveau et possèdent une barrière hémato-encéphalique (BHE) perméable, deux caractéristiques rencontrées dans la MA et chez la personne âgée. Nous pensons que la perméabilité augmentée de la BHE a favorisé le passage des PHF-tau du sang vers le tissu cérébral et que la pathologie amyloïde pré-existante dans le cerveau a contribué aux effets des PHF-tau sur l’aggravation observée des pathologies tau et amyloïde.L’injection intraoculaire unique de PHF-tau humains dans des souris sauvages (WT) et transgéniques qui surexpriment une protéine tau humaine normale (hTau) n’a pas montré une propagation de la pathologie tau vers les zones relais du système visuel : le corps genouillé latéral (CGL) et le colliculus supérieur (CS) malgré l’internalisation des PHF-tau par les cellules ganglionnaires de la rétine. La quantification des DNF dans les deux zones cérébrales (CGL et CS) dans les souris transgéniques qui expriment une protéine tau humaine mutée (ayant une capacité pro-agrégante) et une protéine tau murine (Tg22) n'a pas montré de différence entre les souris qui ont été injectées avec des PHF-tau ou avec une fraction contrôle. Par conséquent, nous attribuons les DNF observées dans ces zones cérébrales à l’expression du transgène. Etant donné que la neuroinflammation précède la neurodégénérescence dans la MA et les maladies à prions, nous avons investigué la présence d’une gliose réactive. Nous avons observé que les PHF-tau injectés n’ont pas provoqué de neuroinflammation dans l’œil ou dans les aires cérébrales du système visuel.L’absence de propagation de la pathologie tau dans le système visuel ne peut pas être expliquée par l’absence de protéines tau à recruter car des analyses comparatives de la rétine et du cerveau dans les différents modèles de souris étudiés ont montré une expression des protéines tau murines et humaines dans la rétine. Cependant, le niveau d’expression des protéines tau est plus faible dans la rétine comparé au cerveau, ce qui pourrait engendrer une capacité moindre de la rétine à propager la pathologie. En effet, il a été démontré qu’une augmentation de l’expression de la protéine tau, due à une duplication de son gène, chez un sujet humain, a conduit à la formation d’une pathologie tau, suggérant que le développement de cette dernière est dose-dépendante. Une plus faible expression de la protéine tau pourrait alors expliquer l’absence de propagation de la pathologie dans le système visuel. De plus, dans la rétine, nous avons observé que la protéine tau est très peu phosphorylée et n’a jamais été détectée sous une conformation anormale ou agrégée dans des modèles murins exprimant une protéine tau humaine sauvage ou mutée en présence ou non de plaques amyloïdes. Nous avons également observé que les kinases GSK3β et CDK5 sont exprimées dans la rétine avec un taux plus faible comparé au cerveau. Dans des modèles cellulaires, il a été démontré que la phosphorylation de la protéine tau est une étape clé pour sa sécrétion et son recrutement, deux mécanismes utilisés par la protéine tau pathologique pour sa propagation. Le faible niveau d’expression des kinases et de phosphorylation de la protéine tau dans la rétine pourrait également expliquer l’absence de propagation de la pathologie tau dans le système visuel.En conclusion, l’ensemble de ces résultats suggère que la possibilité d’une transmission de la protéine tau par le sang requiert davantage d’attention à l’égard de l’usage répandu des produits sanguins et particulièrement chez les personnes âgées qui pourraient posséder des facteurs aggravants telles que la présence d’agrégats de protéines amyloïdes dans le cerveau et une BHE compromise.En revanche, le risque de contamination par des protéines tau pathologiques par des chirurgies oculaires semble faible, au vu de nos observations. Nous pensons que les neurones de la rétine sont résistants à l’induction d’une pathologie tau. Nous suggérons des études supplémentaires pour comprendre les mécanismes qui rendent la rétine peu susceptible de développer une pathologie tau et ainsi pouvoir moduler les mécanismes présents dans le cerveau pour contrer la propagation de la pathologie tau dans le cerveau de patients atteints de la MA. Summary :Alzheimer’s disease (AD) is an incurable neurodegenerative disease composed of two neuropathological lesions : amyloid plaques and neurofibrillary tangles (NFT). The latter are composed of abnormally hyperphosphorylated tau proteins that accumulate and aggregate inside neurons to form twisted filaments called « PHF » for « Paired Helical Filaments ». The progression of tau pathology, as evidenced by the presence of NFTs in the brain, appears to follow neuroanatomically connected pathways. This observation has led to the hypothesis that tau protein may have « prion-like » properties. In this hypothesis, abnormal tau proteins must be internalised by target cells to induce a physicochemical change in endogenous normal tau proteins (nucleation), which in turn acquire pathological characteristics that can be transmitted into new cells (propagation). However, unlike prions, the transmissibility of pathological tau proteins has never been demonstrated in humans.In this research project, we analysed the possible transmission of tau pathology through blood or following eye surgery by intravascular or intraocular injections of PHF-tau, isolated from brains of AD patients, into wild-type (WT) or transgenic mice expressing human WT or mutant tau or amyloid. Iatrogenic contamination by prions proteins has been reported or suspected following blood transfusions or corneal transplants.The seeding and propagation abilities of human PHF-tau were validated in vitro using a cell-based model of tau nucleation activity and in vivo using intracerebral injections into wild-type mice (WT).A single intravascular injection of human PHF-tau induced exacerbation of amyloid and tau pathologies and neuroinflammation, as evidenced by activation of astrocytes and microglial cells, in 5xFAD mice. These transgenic mice develop amyloid plaques in the brain and have a permeable blood-brain barrier (BBB), both of which are features of AD and the elderly. We think that the increased permeability of the BBB facilitated the passage of PHF-tau from the blood into brain tissue and that pre-existing amyloid pathology in the brain contributed to the effects of PHF-tau on the observed worsening of tau and amyloid pathologies.Single intraocular injection of human PHF-tau into wild-type (WT) and transgenic mice overexpressing normal human tau protein (hTau) did not show propagation of tau pathology to the relay areas of the visual system : the lateral geniculate nucleus (LGN) and the superior colliculus (SC) despite internalisation of PHF-tau by retinal ganglion cells. Quantification of NFTs in both brain areas (LGN and SC) in transgenic mice expressing mutated human tau protein and murine tau protein (Tg22) showed no difference between mice injected with PHF-tau or with a control fraction. Therefore, the observed NFTs are due to the expression of the transgene. Since neuroinflammation precedes neurodegeneration in AD and prion diseases, we investigated the presence of reactive gliosis. We observed that the injected PHF-tau did not induce neuroinflammation in the eye or in the brain areas of the visual system.The absence of tau pathology propagation in the visual pathway cannot be explained by the lack of tau proteins to recruit, as comparative analyses of the retina have shown that both murine and human tau proteins are expressed in the retina. However, the level of tau protein expression is lower in the retina than in the brain, which may result in a reduced ability of the retina to propagate pathology. Indeed, it has been shown that an increase in tau protein expression, due to MAPT gene duplication, in a human subject led to the formation of tau pathology, indicating a concentration-dependant kinetic of tau aggregation. A lower expression of the tau protein could then explain the absence of propagation of tau pathology in the visual pathway. Furthermore, in the retina, we observed that tau protein is very poorly phosphorylated and was never detected in an abnormal or aggregated conformation in mouse models expressing wild-type or mutated human tau protein in the presence or absence of amyloid plaques. We also observed that GSK3β and CDK5 kinases are expressed in the retina at a lower level compared to the brain. In cellular models, it has been shown that phosphorylation of tau protein is a key step for its secretion and recruitment, two mechanisms used by the pathological tau protein for its propagation. The low level of kinase expression and phosphorylation of tau in the retina could also explain the absence of propagation of tau pathology in the visual pathway.Taken together, these findings suggest that the possibility of transmission of tau protein through blood requires further attention with regard to the widespread use of blood products and particularly in the elderly who may have aggravating factors such as the presence of amyloid protein aggregates in the brain and a compromised BBB.On the other hand, the risk of contamination with pathological tau proteins through eye surgery seems low, based on our observations. Our results indicate that retinal neurons are resistant to the induction of tau pathology. We suggest that further studies should be aimed to understand the mechanisms that make the retina resistant to develop tau pathology, to be able to modulate these mechanisms to counteract the spread of tau pathology in the brain of AD patients.