Résumé : Ce travail a mis au défi le statut controversé du dernier dialogue de Platon dans la littérature spécialisée. L’examen du rôle de la sôphrosunè dans la cité créée dans les Lois a permis de montrer que la mise en avant de cette vertu constitue une clé de lecture féconde pour la compréhension du dialogue dans sa totalité. En effet, la sagesse assure la cohésion sociale dans la mesure où elle garantit la prise en charge d’affections telles le plaisir. Ce dernier étant une affection redoutable, son évitement ne constitue pas une stratégie pertinente pour le maîtriser et son côtoiement risque la démesure. Placer la sagesse au cœur de la cité est ce qui permet, d’une part, d’ouvrir la voie pour l’investigation du mode de fonctionnement du plaisir, et, d’autre part, de ménager une place pour cette affection tout en respectant les exigences de la raison. Ainsi, la thèse défendue concerne le caractère décisif de la sagesse pour l’éthique platonicienne dans son dernier dialogue, précisément parce qu’elle est la vertu capable d’assurer la médiation entre le plaisir et la raison. La stratégie adoptée pour étayer l’hypothèse de travail a été d’aborder la question selon quatre axes thématiques. D’abord, la caractérisation de la sagesse et l’analyse de son rapport aux autres vertus ont amorcé la discussion sur les degrés de sôphrosunè, menant au rôle paradigmatique du sôphrôn comme un être divin. Ensuite, l’anthropologie du dialogue a été mise en exergue grâce à l’examen minutieux du récit des marionnettes et des enjeux liés à la maîtrise des affections. L’attention s’est ensuite tournée vers le projet éducatif du dialogue, lequel réserve le nom d’éducation à l’entraînement des affections en vue de leur harmonie avec la raison. Cet entraînement vise à apprivoiser le plaisir, entretenir cette maîtrise et la réparer lorsque cela s’avère possible. Enfin, l’analyse de la législation a permis de montrer qu’elle vise à persuader et à exhorter les citoyens à la sagesse. En particulier, la réglementation de la sexualité pousse le code légal des Lois jusqu’à ses limites et la pénologie est fondée en déployant la complexité du rapport de l’être humain aux affections. Ces résultats ont été obtenus grâce à une approche méthodologique qui peut être considérée comme une thèse subsidiaire : il a été question de lire les Lois non pas comme un dialogue lacunaire qui dépend d’arguments externes pour être compris, mais de manière à mettre en valeur la cohérence interne du dialogue.