Résumé : Le monde tel que nous le connaissons aujourd’hui n’aurait pas été possible sans l’invention par Bardeen, Shockley et Brattain du transistor à effet de champ et l’ensemble des appareils électroniques qui en ont résulté. Le fonctionnement des transistors repose notamment sur l’utilisation de semi-conducteurs, dont le critère de performance principal est la mobilité de charges. Si le plus utilisé reste encore à l’heure actuelle le silicium, il n’est pas sans défauts : quantité limitée, procédés de fabrication polluants, manque de flexibilité dans les applications, etc. De nombreuses recherches visent donc à lui trouver des alternatives. L’utilisation de molécules et macromolécules conjuguées a ainsi donné naissance au domaine de l’électronique organique. Des polymères conducteurs ou semi-conducteurs peuvent par exemple être utilisés pour créer des transistors organiques biomimétiques. Ils se basent sur le transport de charges élémentaires allié à la captation d’ions. Ces transistors électrochimiques organiques (OECT) peuvent être employés dans le milieu médical, notamment comme détecteurs d’anticorps ultra-sensibles, ou en informatique, dans le développement de nouveaux systèmes de mémorisation interne pour l’intelligence artificielle. La large palette de fonctionnalisations offerte par la synthèse en chimie permet de développer des molécules organiques adaptées à chaque besoin. À quelques rares et récentes exceptions près, les polymères sont encore prépondérants dans le domaine des OECT. Pourtant, le développement de semi-conducteurs moléculaires apporterait des avantages certains, entre autres pour leurmeilleure organisation cristalline qui, en favorisant une séparation des charges et des ions, améliorerait l’efficacité de ces transistors. Leur critère de performance, la transconductance, n’est en effet pas simplement lié à la mobilité de charges, mais dépend aussi de la faculté du semi-conducteur à capter les ions. Ces deux paramètres sont donc à maximiser en parallèle. Ce travail de recherche repose sur la synthèse et la caractérisation de molécules aromatiques à base de dérivés thiénoacènes, le BTBT ([1]benzothiéno[3,2-b]benzothiophène) et le DBTTT (dibenzothiophéno[6,5-b:6′,5′-f]thiéno[3,2-b]thiophène). Des chaînes latérales, propices à la captation d’ions ou à leur largage via l’acidité d’un groupement terminal, leur ont été greffées par un lien éther. Trois dérivés BTBT ont été synthétisés dans cette optique. Le premier composé, présentant des chaînes de type « oligo-éthylène glycol », a été obtenuavec un rendement de 87 % par couplage d’Ullmann à partir de diiodo-BTBT, caractérisé puis étudié, tant au niveau de ses propriétés cristallographiques qu’électroniques. Sa mobilité de charges s’est avérée plus faible qu’attendu, et son utilisation dans des OECT en a dès lors été compromise. En revanche, l’étude de cet OEG-BTBT a permis de mettre au jour une propriété intéressante : sa conductivité varie en fonction de l’humidité relative. Il a alors été possible de fabriquer des senseurs à humidité présentant les meilleures performances à ce jour pour des molécules organiques conjuguées. Le mécanisme sous-jacent à cette variation de conductivité a également été discuté. Le deuxième dérivé BTBT de ce projet, dont les chaînes dérivent de l’hexane-1,6-diol, a été synthétisé avec un rendement de 89 % et caractérisé. Sa mobilité, bien que supérieure à celle de l’OEG-BTBT, n’apparaît cependant pas suffisante pour envisager son utilisation dans un transistor à effet de champ. En revanche, nous avons pu l’utiliser comme intermédiaire de synthèse afin d’atteindre la troisième molécule, dont les chaînes se terminent par des acides sulfoniques. Afin d’étudier ses propriétés électroniques, il sera toutefois nécessaire d’améliorer le procédé de purification. Enfin, la synthèse d’un quatrième dérivé BTBT a été entamée. La voie de synthèse envisagée nécessitait deux oxydations successives. Les conditions pourtant douces d’une oxydation de Pinnick ont induit une suroxydation du noyau aromatique. La synthèse de cette molécule a donc été mise en suspens. L’étude de dérivés du DBTTT a de son côté été centrée sur l’obtention de son équivalent dibromé, afin de faciliter l’ajout ultérieur de chaînes. De nombreuses voies ont été investiguées et ont permis d’en apprendre plus sur la réactivité des précurseurs de ce thiénoacène. Finalement, une voie se basant sur la différence de réactivité entre l’iode et le brome a abouti au produit dibromé recherché. Le rendement global n’atteignant que 1,6 %, nous avons en parallèle entrepris la synthèse d’un équivalent dichloré, visant à compenser la plus faible réactivité par une meilleure solubilité. Cette molécule a été obtenue en cinq étapes avec un rendement de 54 %. Nous avons alors entamé les études de sa fonctionnalisation par couplage d’Ullmann, sans succès malgré des conditions poussées, et l’utilisation d’un ligand spécifiquement adapté au couplage de chloro-aryles.