par D'Aloia, Stefano
Référence Le pluralisme juridique en droit international et européen : l’interlégalité et ses techniques (2022-09-06: Milan)
Publication Non publié, 2022-09-06
Communication à un colloque
Résumé : Les juges nationaux font partie des premières instances juridictionnelles à connaître de la question des effets d'une occupation internationalement illicite, c'est-à-dire d'une occupation territoriale née en violation d'une norme impérative de droit international - comme l'interdiction du recours à la force ou le droit des peuples à l'auto-détermination.Les juges nationaux sont en effet amenés à décider si des actes adoptés par des autorités d'une occupation internationalement illicite peuvent produire des effets à l'égard de leur propre État. Que l'on pense, par exemple, à des actes de naissance dressés par les autorités russes en Crimée annexée depuis 2014 ; à des passeports et autres documents d'identité délivrés par les "Républiques populaires" de Donetsk et Lougansk ; à des diplômes délivrés par une université en "République turque de Chypre du Nord" ou dans la "République d'Artsakh". Tous ces actes peuvent-ils se voir reconnaître des effets par des juges d'un États tiers sans violer l'obligation internationale de ne pas reconnaître les conséquences d'une violation grave d'une norme impérative de droit international ?Le droit international coutumier semble fournir une réponse à cette question. Formulée par la Cour Internationale de Justice dans un avis rendu en 1971, ce qu'on nomme parfois l'"exception Namibie" permet de reconnaître des actes de la vie quotidienne ou indispensable à la poursuite d'une "vie normale" sur le territoire occupé (actes de naissance, de mariage, de décès, etc.). Une logique interne existe donc au sein de l'ordre juridique international sur cette question.L'analyse d'un corpus conséquent de décisions (une soixantaine) de juges nationaux ayant à connaître, à titre principal ou incident, de cette question montre que les ordres juridiques nationaux sont généralement imperméables aux solutions proposées par l'ordre juridique international sur ce point. Ainsi, il apparaît que les juges nationaux sont réticents à fonder leur décision sur du droit international, fût-ce par une application indirecte de ce dernier. Leurs décisions se fondent le plus souvent sur des considérations de droit interne, sans avoir égard à une obligation internationale de non-reconnaissance et à son "exception Namibie". Le tableau offert par ces décisions est celui d'ordres juridiques nationaux clos, avec une tendance très faible à l'ouverture vers les solutions de l'ordre juridique international.