Thèse de doctorat
Résumé : Biodiversity on Earth is experiencing rapidly increasing and unprecedented threats from anthropogenic causes. Around 1 million species have been assessed as threatened with extinction and without decisive actions to reduce the intensity of biodiversity loss mechanisms, extinctions will continue to increase at rates equivalent to those of previous mass extinction events. To objectively assess the state of biodiversity and understand the role and impact of drivers of biodiversity loss at species level, numerous high-quality and robust data are required. However, these data are lacking for many species in nearly all groups of living species. Wild bees constitute the most important group of pollinators of flowering plants, including many crops. This key ecosystem service is under threat by declines of their populations, induced by anthropogenic factors, and documented by several studies. Despite their importance, research on wild bees still faces prominent knowledge gaps, which hinder the description of their ecology and diversity, the assessment of their status in face of decline factors, and ultimately their conservation. Consequently, the overall objective of this thesis is to provide a comprehensive scheme for the study of wild bees from the identification of gaps, through robust data collection, to the prediction of diversity patterns and the impact of local and larger scale factors. This thesis investigated, for the first time, spatial patterns of wild bee diversity and knowledge gaps (i.e. shortfalls) at a continental scale (Europe) using the largest ever compilation of occurrence records (chapters 3 and 4). Our results show that genuine hotspots of wild bee diversity in Europe are hosted in xeric, warm areas, as highlighted by a clear latitudinal gradient, indicating that bees have kept an ancestral link with xeric climates (chapter 3). Despite major advances over the past few decades, our understanding of wild bee diversity, declines and distribution in Europe is still hampered by shortfalls. We classify and quantify six shortfalls representing these biases and gaps. These shortfalls characterise knowledge gaps for species distribution (Wallacean shortfall), population trends (Prestonian shortfall), evolutionary patterns (Darwinian shortfall), functional traits (Raunkiærian shortfall), and specificity in interactions with plants (Eltonian shortfall). We observe that data availability shows extreme spatial variability but is mostly lacking in southern and eastern Europe. We show that southern Europe suffers from many gaps because we have a good understanding of the species composition (Wallacean shortfall) and eastern Europe, due to a poorer understanding of the species composition, shows fewer gaps, but these are likely to be underestimated (chapter 4). To fill most of these gaps, professional schemes of monitoring and inventorying at large scales deliver the highest quality-data and can bring significant long-term financial benefits. Therefore, in chapters 5 to 7, we investigated the wild bee communities associated to a global perennial crop, apples, using standardised surveys at an unprecedented spatial scale in a way that has never been done before in different ecological regions and climatic contexts and all within the same year. The three chapters address three different spatial scales: global (chapter 5), sub-continental (chapter 7), and local (chapter 6) scales.We show that, at each spatial scale, managed species outnumber wild bee species in commercial apple orchards, suggesting that these species provide most of the pollination services. Locally, in Tasmanian apple orchards, few wild bees visited apple blossoms, however surrounding wildflowers hosted a high diversity of wild bees (chapter 6).At a sub-continental scale, we show that climate has a determinant impact on the taxonomic, phylogenetic, and functional divergence between assemblages collected with different sampling methods and on taxonomic divergence (i.e. species composition) between sites (chapter 7). We extended this latter finding (taxonomic divergence) at the global scale where we provide evidence for a significant community taxonomic dissimilarity at the community level between ecological regions, driven by biogeography. By contrast, we found that varying species tend to belong to similar higher-level phylogenetic groups with similar ecological and behavioural traits. Overall, these results suggest a strong habitat filtering caused by intensive agriculture in a perennial monoculture system, homogenising vegetation structure and diversity, ultimately eroding divergence across large-spatial scales. Our thesis sheds light on the importance of large-scale analyses bridging gaps between different aspects of biogeography and ecosystem functions and evolution in order to better describe and promote diversity in poorly studied regions, in key biodiversity areas, and in intensive agroecosystems in the face of global changes. We believe that significant improvements in the amount and quality of the data focusing on under-studied species and regions can refine our understanding of wild bee ecology and diversity and will facilitate the assessment and conservation of the most at-risk species and regions.
La biodiversité sur Terre est confrontée à des menaces d’origine anthropique sans précédent et qui ne cessent de se multiplier. Environ un million d'espèces ont à ce jour été reconnues comme menacées d'extinction. Et l'absence d'actions décisives visant à réduire l'intensité des mécanismes d’appauvrissement de la biodiversité, les extinctions continueront à augmenter à des rythmes équivalents à ceux des précédents événements d'extinction massive. Pour évaluer objectivement l’état de la biodiversité et comprendre le rôle et l'impact des facteurs de perte de biodiversité au niveau des espèces, il est essentiel de disposer de données nombreuses, robustes et de haute qualité. Or, ces données font défaut pour de nombreuses espèces dans presque tous les groupes d'espèces vivantes. Les abeilles sauvages constituent le groupe le plus important de pollinisateurs des plantes à fleurs, parmi lesquelles de nombreuses cultures. Ce service écosystémique essentiel est menacé par le déclin de leur population, induit par des facteurs anthropiques et attesté par plusieurs études. Malgré cela, la recherche sur les abeilles sauvages est toujours entravée par d’importantes lacunes en termes de connaissances, qui constituent autant d’obstacles à la description de leur écologie et de leur diversité, à l’évaluation de leur statut face aux facteurs de déclin et finalement à leur conservation. Par conséquent, l'objectif général de cette thèse est de fournir un schéma complet pour l'étude des abeilles sauvages, de l'identification des lacunes existantes jusqu’à la prédiction de modèles de diversité et de l’impact des facteurs locaux et à plus grande échelles, en passant par la collecte de données robustes. Cette thèse a permis l’étude, pour la première fois, des schémas spatiaux de la diversité des abeilles sauvages et des lacunes dans les connaissances de cette diversité et ce, à l'échelle continentale (en Europe), en utilisant la plus grande compilation de données d'occurrences jamais rassemblée (chapitres 3 et 4). Nos résultats montrent que les hotspots de diversité des abeilles sauvages en Europe sont situés dans les régions chaudes et arides, indiquant que les abeilles ont gardé un lien ancestral avec les climats arides (chapitre 3). Cette plus large diversité dans les régions du sud se caractérise par un gradient latitudinal marqué au niveau continental. Malgré des avancées majeures au cours des dernières décennies, notre compréhension de la diversité, des déclins et de la distribution des abeilles sauvages en Europe est toujours entravée par des déficits importants de données et de connaissances. C’est la raison pour laquelle, dans le chapitre 4, nous décrivons et quantifions six types de déficits quant à nos connaissances liées à la diversité des abeilles sauvages. Ces six types de déficits caractérisent le manque de connaissances sur la distribution des espèces (deficit Wallacéen), les tendances des populations (deficit Prestonien), l’histoire evolutive (deficit Darwinien)), les traits fonctionnels (deficit Raunkiærien) et la spécificité de leurs interactions avec les plantes (deficit Eltonien). Nous observons que la disponibilité des données montre une extrême variabilité spatiale, mais qu'elle fait surtout défaut en Europe du Sud et de l'Est. Grâce à notre bonne compréhension de la composition des espèces en Europe du Sud (deficit Wallacéen), nous avons pu montrer que cette région souffre de nombreuses lacunes, tandis que l'Europe de l'Est présente moins de lacunes, mais celles-ci sont probablement sous-estimées en raison d'une moins bonne compréhension de la composition des espèces (chapitre 4). Pour combler la plupart de ces lacunes, les programmes professionnels de surveillance et d'inventaire à grande échelle fournissent des données de la plus haute qualité et peuvent apporter des avantages financiers importants à long terme. Par conséquent, dans les chapitres 5 à 7, nous avons étudié les communautés d'abeilles sauvages associées à une culture pérenne mondiale, à savoir la culture des pommes, en utilisant des enquêtes standardisées à une échelle spatiale sans précédent, selon une méthode totalement inédite, dans des régions écologiques et des contextes climatiques différents et ce, au cours de la même année. Les trois chapitres portent sur trois échelles spatiales différentes, à savoir les échelles spatiales mondiale (chapitre 5), sous-continentale (chapitre 7) et locale (chapitre 6).Nous montrons que, à chaque échelle spatiale, les espèces gérées par l’être humain sont largement plus nombreuses que les espèces d'abeilles sauvages dans les vergers de pommiers commerciaux, ce qui suggère que ces espèces fournissent la plupart des services de pollinisation. Localement, dans les vergers de pommiers de Tasmanie, peu d'abeilles sauvages ont butiné les fleurs de pommiers, mais les fleurs sauvages environnantes ont accueilli une grande diversité d'abeilles sauvages (chapitre 6).À l'échelle du sous-continent, nous montrons que le climat a un impact déterminant sur la divergence taxonomique, phylogénétique et fonctionnelle entre les assemblages collectés avec différentes méthodes d'échantillonnage, ainsi que sur la divergence taxonomique (c'est-à-dire la composition des espèces) entre les sites (chapitre 7). Nous avons étendu cette dernière constatation (divergence taxonomique) à l'échelle mondiale où nous fournissons des preuves d'une dissimilarité taxonomique significative au niveau des communautés entre les régions écologiques, sous l'effet de la biogéographie. En revanche, nous avons constaté que les espèces variables ont tendance à appartenir à des groupes phylogénétiques de niveau supérieur similaires, présentant des traits écologiques et comportementaux similaires. De manière générale, les résultats de notre travail suggèrent un fort filtrage de l'habitat causé par l'agriculture intensive dans un système de monoculture pérenne, qui homogénéise la structure et la diversité de la végétation, et finalement érode la divergence sur de grandes échelles spatiales. Notre thèse met en lumière l'importance capitale des analyses à grande échelle pour combler les lacunes entre les différents aspects de la biogéographie, des fonctions des écosystèmes et de leur évolution, afin de mieux décrire et promouvoir la diversité dans les régions peu étudiées, dans les zones clés de biodiversité et dans les agroécosystèmes intensifs dans le cadre des changements climatiques globaux. Nous pensons que des améliorations significatives de la quantité et de la qualité des données axées sur les espèces et les régions peu étudiées pourraient affiner notre compréhension de l'écologie et de la diversité des abeilles sauvages et faciliter l'évaluation et la conservation des espèces et des régions les plus menacées.