par Pelgrims, Claire
Référence Rencontres Francophones Transport Mobilité (4: 7-10 juin: Université du Luxembourg)
Publication Non publié, 2022-06-08
Communication à un colloque
Résumé : IntroductionAvec le développement technologique et la miniaturisation des systèmes d'enregistrements vidéo, les méthodes de vidéo-ethnographie sont de plus en plus mobilisées dans les recherches sur les mobilités en sciences humaines et sociales. Celles-ci soulèvent néanmoins de nombreux enjeux éthiques dont la complexité est rarement prise en compte par les comités éthiques récemment mis en place en France dans ces disciplines. L'objectif de la présentation est de discuter des difficultés intrinsèques à l'intégration de méthodes de vidéo-ethnographie dans les études de mobilités se concentrant sur l'espace public, à partir de la littérature internationale et d'une analyse de différents projets de recherche européens ayant mobilisés les dix dernières années ou mobilisant actuellement ces techniques, dont le projet européen SENCyclo (MSCA-IF), pour enquêter sur les pratiques cyclistes.MéthodologieAprès avoir présenté l'intérêt de ces méthodes pour étudier les mobilités, et notamment mieux comprendre les aspects sensibles et incarnés des différentes pratiques de mobilité – notamment à vélo—, la présentation s'attachera à clarifier les obligations légales et les enjeux éthiques liés à l'enregistrement vidéo dans l'espace public pour des raisons de recherche. Ceux-ci sont liés d'une part à la possibilité de reconnaitre non seulement les personnes, mais aussi les lieux et les espaces traversés, et, d'autre part, à la nature visuelle des données qui rendent difficile leur anonymisation.Ces enjeux sont évidemment différents selon l'objet de l'analyse, le format de présentation des résultats visé et les méthodes de diffusion de la recherche prévues.La présentation distinguera les vidéo-ethnographies qui sont réalisées dans l'espace public sans interactions avec les personnes observées, des entretiens réalisés dans l'espace public sur le modèle des parcours commentés. Dans ces différents cas, les enregistrements vidéo peuvent être le résultat de la recherche (documentaire de recherche), une donnée analysée en tant que telle et dont seront tirés des conclusions, ou un objet intermédiaire permettant l'obtention de la donnée visée, comme dans le cas des entretiens par réactivation ou la création d'une série de capture-images qui font ensuite l'objet de l'analyse. La présentation reviendra ensuite sur les difficultés pratiques et les écueils des protocoles d'anonymisation encouragés actuellement par les comités éthiques inspirés des sciences médicales d'une part, mais aussi par les protocoles visant à garantir la vie privée et la dignité des personnes dans le cadre des dispositifs de vidéosurveillance de l'espace public d'autre part. Or les enjeux de la recherche sont essentiellement différents de ceux liés à la vidéosurveillance. Les procédés plastiques des protocoles d'anonymisation des données visuelles seront ainsi critiqués (a) pour leur faiblesse, dans certains cas, lorsqu'ils n'empêchent en rien l'identification des personnes filmées, ou (b) leur capacité à réduire la qualité des données en masquant finalement l'objet même des études (les corps et l'environnement des mobilités).L'analyse de différents protocoles de recherche mobilisant la vidéo-ethnographie dans le champ des mobilités montre que dans les observations sans interactions avec les personnes filmées, l'obtention d'un consentement éclairé est souvent remplacée par une évaluation des risques d'atteinte à la vie privée et la dignité des personnes filmées. Or le caractère privé d'une situation étant éminemment social, ceci nécessite une très bonne connaissance du contexte étudié et de ses dynamiques de pouvoirs. Dans les terrains ethnographiques de type parcours commentés où un consentement peut être obtenu, le consentement éclairé des participants est de plus en plus envisagé comme un processus continu, qui se rediscute aux différentes étapes des enquêtes, bien après la signature de la première autorisation. La discussion permet de soulever des risques que le ou la chercheuse n'aurait pas identifiés, mais également d'éviter les écueils liés à une mauvaise présentation de résultats qui ne seraient pas en eux-mêmes dégradants.La présentation reviendra finalement sur quelques considérations spécifiques concernant les proches des participants qui peuvent de manière volontaire ou non, apparaitre dans le cadre, et le cas spécifique des enfants. Principaux résultats obtenus ou attendusÀ travers la mise en dialogue de la littérature sur les enjeux éthiques des méthodes de vidéo-ethnographie avec les protocoles de recherches récents interrogeant avec l'outil vidéo les pratiques cyclistes, la présentation analyse de manière critique les recommandations actuelles des comités éthiques inspirés des sciences médicales et vise à proposer quelques éléments de réflexion en vue d'une bonne gestion des aspects éthiques spécifiques à ces champs de recherche.Principales références bibliographiquesAarsand P. (2016). Children’s Media Practices: Challenges and Dilemmas for the Qualitative Researcher, Journal of Children and Media 10 (1): 90–97.Everri M., Heitmayer M., Yamin-Slotkus P., Lahlou S. (2020). Ethical Challenges of Using Video for Qualitative Research and Ethnography. State of the Art and Guidelines. In Challenges and Solutions in Ethnographic Research. Ethnography with a Twist, by Lâhdesmâki T., Koskinen-Koivisto E., Eginskas V.L.A., Koistinen A-K., Routledge, 68–83.Jarrigeon A. (2015). Sociologie visuelle et droit à l’image. La demande d’anonymat en question, L’Année sociologique 65 (1): 225–46.Smith T.A., Dunkley R. (2021). Video Ethnography. In Creative Methods for Human Geographers, by von Benzon N., Holton M., Wilkinson C., Wilkinson S., SAGE, 297–307.