Résumé : Les récentes attaques terroristes qui ont frappé nos démocraties appellent des questionnements sociétaux à la fois sur des dimensions politiques et des aspects religieux. L’un des éléments clefs de ces problématiques réside dans la question générale des productions de discours religieux islamiques à signature fondamentaliste. Ce type de discours peut être considéré comme un des vecteurs d’une religiosité hyperstatique où les concepts mobilisés et les pratiques rituelles ne sont soumis ni à la critique ni à la remise en question et donc, s’absolutisent. Les jeunes de confession musulmane peuvent à plusieurs égards être considérés comme des cibles privilégiées de ces discours qui peuvent, sous certaines conditions, aller jusqu’à la radicalisation violente (Hefez 2019 ; Settoul 2018 ; Aiello, Puigvert & Schubert, 2018).À la lumière de ce contexte, et dans le cadre d’une thèse de doctorat en sciences des religions, on se propose d’élaborer des outils pédagogiques et didactiques qui ont pour objectif de stimuler le rapport critique au religieux, c’est-à-dire de créer un espace de mouvement pour la pensée. Ces outils sont envisagés à la lumière de la problématique suivante : comment amener un jeune à ouvrir les contenus névralgiques de sa croyance à la discussion, voire à la critique ? Ceci équivaut à dépasser ce que Mohammed Arkoun appelait les « clôtures dogmatiques » (Arkoun, 2007) afin de permettre une distanciation avec les textes et doctrines conçus comme centraux, et permettre in fine le questionnement.Concrètement, la recherche a consisté à prendre appui sur un matériau empirique sous forme d’entretiens afin de mettre en lumière des « logiques intentionnelles » (Servais, 2013), c’est-à-dire des formes de logiques subjectives qui jouent le rôle d’interface entre le déploiement des acteurs en société (en l’occurrence ici, les jeunes de confession musulmane) et leur « système de référence » qui légitime l’ensemble. Les éléments ressortis de cette partie empirique ont ensuite été analysés et interprétés de façon à amorcer les prémisses d’une élaboration d’outils de déblocage au questionnement critique, sous l’angle de l’approche dite « historico-critique ». En somme, on vise l’élaboration d’une esthétique de la réception à visée neutralisante, c’est-à-dire une fenêtre d’ouverture sur la possibilité de ne pas répondre à « l’essence de l’islam », mais d’en explorer les conditions d’humanité et d’humanisation par un travail réflexif qui n’ignore pas les affects mais les régule.