par Derinöz, Sabri
Référence CEDIL 2022 - Sciences du langage : Enjeux théoriques et pratiques méthodologiques (29-30 juin 2022: Université Grenoble Alpes)
Publication Non publié, 2022-06-28
Référence CEDIL 2022 - Sciences du langage : Enjeux théoriques et pratiques méthodologiques (29-30 juin 2022: Université Grenoble Alpes)
Publication Non publié, 2022-06-28
Communication à un colloque
Résumé : | La notion de diversité a donné lieu à une foisonnante littérature en sciences humaines et sociales. L’analyse de discours en particulier s’attarde sur la polysémie du mot, son caractère formulaire, plastique, ambivalent et flou, sa valeur euphémistique, sa connotation méliorative (Devriendt 2012 ; Bereni et Jaunait 2009 ; Sholomon-Kornblit 2019). Ces caractéristiques en font un élément de langage conventionnel où « ce qui est désigné comme divers∙e devient moins important∙e que le nom de diversité » (Ahmed 2019). Son sens semble évoluer d’un sens descriptif à un sens normatif (Sénac 2012), au point de se spécialiser pour désigner les minorités visibles d’origine étrangère (Calabrese 2018a). En tant que formule, le mot cristallise des enjeux et des positionnements (Krieg-Planque 2009), dans un contexte social où différents intérêts, rapports de pouvoir et stratégies ont rendu son usage « à la fois nécessaire et problématique » (Maingueneau 2014). La formule peut être un espace à la fois de consensus et de dissensus (Sholomon Kornblit 2019).La littérature citée montre ainsi un mot au sémantisme instable avec de multiples programmes de sens (Siblot 2003) qui peuvent s’actualiser selon les contextes et les énonciateurs. Car contrairement à d’autres notions qui sont intensément débattues dans l’espace public (Calabrese 2018b), diversité s’adapte à une quantité de contextes qui actualisent des sens parfois radicalement opposés.Dans le but d’apporter une réflexion méthodologique, cette communication vise à mettre en perspective la pertinence de l’utilisation de logiciels d'analyse statistique dans le cadre d’une recherche visant à comprendre comment s’est construit le profil lexico-discursif (Veniard 2013) du mot dans la presse belge francophone : les différentes caractéristiques du mot diversité peuvent-elles s’articuler avec l’analyse de grand corpus à l’aide d’un logiciel d’analyse lexicométrique ? Cette communication accompagne le développement d’une recherche dont le corpus a été collecté sur la base de données Europresse, à partir du mot clé diversité dans trois grands quotidiens francophones sur une période allant de 2000 à 2020 (7 millions de mots) et formaté pour être analysé via le logiciel Iramuteq. Le but de la recherche étant de montrer les différents programmes de sens du mot dans le temps et les énonciateurs qui prennent en charge la définition du mot. L’hypothèse étant qu’il existe deux périodes différentes : une première dans les années 2000 où les entrepreneurs de cause sont clairement cités et les sens du mot différenciés (domaine culturel, domaine entrepreneurial) et une deuxième dans les années 2010 où le mot devenu formule circule sans mention de source et avec les programmes de sens superposés. Cette recherche est une première étape dans un projet de thèse qui s’intéresse, dans une perspective d’analyse de discours, à la façon dont le problème public de la diversité dans les médias a émergé et est actuellement constitué en Belgique francophone. Il vise à saisir comment la négociation du sens ou du référent du mot diversité participe de la (re)configuration du problème public de la diversité dans les médias. L’émergence et la (re)configuration d’un problème public passent par l’expérience des individus et par leur capacité à problématiser et publiciser, ensemble, un trouble ressenti, ce qui se fait par l’utilisation du langage et donc par le discours (Cefaï 1996). La formule diversité étant floue et polysémique, c’est un mot manipulé « dans le discours politique et social sans jamais s'y trouver explicitement définies » (Devriendt 2012) et imprégné d’une mémoire discursive qui façonne notre perception du monde (Calabrese 2013). Dans d’autres pays, différents chercheurs se sont plus ou moins intéressés à la façon dont cette formule a participé de la (re)configuration d’un problème public, notamment en France où la formule est mise en perspective dans un discours qui fait référence aux notions de République et d’identité nationale (Devriendt 2012 ; Sénac 2012). |