Résumé : L’objet de cette recherche consiste à montrer comment Leibniz est parvenu à réaliser un projet très tôt identifié : celui de fonder scientifiquement le droit naturel. L’analyse des textes choisis, qui couvrent une période très courte (1666-1677), et la méthode génétique adoptée, nous ont permis de dégager l’évolution progressive de la doctrine du juste. Nous exposons d’abord le contexte dans lequel Leibniz entreprend ce projet, pour montrer ensuite comment, dans la Nova Methodus de 1667, il entend mettre en œuvre ce projet. Sa compréhension de la fin du droit comme évitement du mal, ainsi que l’absence de moyens de démonstration, ne permettent pas de considérer que le projet fut accompli. Nous montrons qu’il se réalise dans les Elementa juris naturalis (1669-1671). En effet, on peut considérer que Leibniz est parvenu à mettre en œuvre ce projet par la formulation des définitions de la justice et des vertus morales d’une part, et par la formulation des règles à partir desquelles il est possible de démontrer l’ensemble des préceptes du droit d’autre part. Par ailleurs, à partir de la définition de la justice comme habitude d’aimer tous les hommes, nous montrons que la science du droit est désormais orientée vers l’accomplissement de la félicité de tous les hommes.Après la rédaction des Elementa, Leibniz séjourne quelques années à Paris. Pendant son séjour, il rédige un ensemble de textes qui réforment les concepts préalablement établis de sagesse et de félicité. L’analyse de ces textes nous a conduits à une approche plus introspective de la sagesse et du bonheur. L’une des avancées est que Leibniz considère la tranquillité de l’âme dans son articulation au fait d’être capable d’aimer tous les hommes. Enfin, nous montrons qu’en parvenant à la définition de la justice comme charité du sage à partir de 1677, Leibniz complète l’analyse de la vertu théologale de la charité -c’est-à-dire de l’amour de soi qui était l’objet des textes parisiens- et de l’amour des autres - qui était l’objet des Elementa -, par l’amour de Dieu, qui est l’objet de cette dernière définition.