Résumé : Depuis la révolution industrielle, les émissions de dioxyde de carbone (CO2) dues à l’activité humaine ont fortement augmenté la concentration de carbone dans l’atmosphère, perturbant le cycle naturel du carbone (C). Cette augmentation a un effet direct sur le climat de la Terre et a de nombreuses conséquences telles que l’augmentation de la température, la modification des courants océaniques et l’augmentation du niveau des mers. Pour répondre à cette perturbation anthropogénique, les océans et la biosphère terrestre ont vu leurs stocks de C augmenter, agissant ainsi en tant qu’important atténuateur du changement climatique. La quantification et la compréhension de la variabilité spatiale et temporelle de ces puits océanique et terrestre sont donc essentielles. Une partie du C fixée par la photosynthèse n’est en réalité pas stockée in-situ mais est à la place transférée vers les eaux continentales. Cette perte de C terrestre se passe à travers le lessivage du C organique dissous (COD) et du C inorganique dissous (CID) ainsi que par érosion du C organique particulaire (COP). Lors de son passage dans ces eaux, le C peut être minéralisé et réémis vers l’atmosphère sous forme de CO2 et de méthane (CH4) ou enterré dans les sédiments, le reste étant amené jusqu’aux océans. Cependant la quantification et la variabilité spatio-temporelle de ces processus ne sont pas encore tout à fait comprises. Dans ma thèse, j’ai utilisé trois méthodes différentes afin d’améliorer notre compréhension de la dynamique du C dans le réseau hydrographique Européen, en me concentrant sur le destin du COD dans le système hydrographique.Tout d’abord, j’ai évalué et appliqué ORCHILEAK, un modèle du système terre, à l’échelle Européenne pour estimer et étudier la variabilité spatio-temporelle du transfert du COD des terres jusqu’aux rivières. A ma connaissance, ceci est la première estimation paneuropéenne des flux de DOC à travers l’interface terre-eaux continentales. La performance du modèle est d’abord évaluée avec des observations de transfert de COD des terres jusqu’aux rivières, des observations de flux des COD et de réactivité du COD dans les rivières, permettant de prouver que les transferts de COD simulés sont réalistes. J’ai estimé qu’en moyenne environ 14.3 TgC sont transférés chaque année des terres vers le système hydrographique européen, ce qui représente environ 0.6% de la productivité primaire terrestre nette (NPP). J’ai observé également une importante variabilité spatio-temporelle avec un maximum en hiver et un minimum en été sauf dans les régions nordiques où le maximum a lieu au printemps lors de la fonte des neiges. J’ai étudié le lien entre la quantité de COD transféré des terres vers les rivières et différentes variables environnementales et mes résultats montrent que la fraction de NPP qui est transférée en tant que COD dans les rivières est principalement contrôlée par le ruissellement et le ratio de ruissellement de surface par rapport au drainage alors que la température ne joue seulement qu’un rôle secondaire.Ensuite, j’ai effectué des campagnes d’échantillonnage sur la Meuse en France et en Belgique afin d’étudier la biodégradation du COD dans un bassin tempéré. Pour cela, j’ai réalisé des expériences à l’échelle mensuelle en laboratoire et étudié comment la constante de vitesse de dégradation du COD (k) varie à travers les saisons, en fonction de l’occupation du sol du bassin ainsi que sa dépendance vis-à-vis de la qualité de la matière organique (MO). La qualité de l’MO est mesurée à l’aide du SUVA, l’absorbance ultraviolette spécifique à 254 nm, qui mesure l’aromaticité de l’MO. La biodégradation du COD est représentée une cinétique d’ordre 1 (FO), une cinétique d’ordre 1 avec une partie du COD considérée comme non-dégradable (FOR) et le modèle « reactive continuum » (RC). J’ai démontré que la méthode FO ne permet pas de bien représenter l’évolution de la concentration de carbone dans le temps à l’échelle mensuelle. Au contraire, la méthode FOR capture bien la cinétique de dégradation et, j’ai estimé un temps de demi-vie pour le COD à environ 10 jours, valeur inférieure au temps de résidence de l’eau de la Meuse estimé sur tout le bassin à 24 jours, ce qui signifie que la majorité du COD aura été décomposée avant d’atteindre la mer. Cependant, la variabilité observée du k ne peut être expliquée par les variables étudiées (saisons, occupation du sol et le SUVA). La méthode RC permet tout autant de bien capturer la cinétique, et j’ai calculé un k initial qui vaut environ 0.02 jour-1 mais avec une importante variabilité. Cette variabilité dans k n’a pas pu être reliée avec les saisons ou l’occupation des sols mais une corrélation significative (R²=0.5) a pu être trouvée entre le k du modèle RC et le SUVA, suggérant que cet index, facile et rapide à mesurer, pourrait être utilisé comme proxy pour la dégradation du COD.Finalement, sur base de la littérature, j’ai construit un budget C pour les eaux continentales européennes et étudié comment les flux transnationaux de C à travers les rivières peuvent impacter les budgets et inventaires nationaux de C. Une méthodologie a été développée pour la quantification des transferts latéraux de C à travers les frontières et j’ai estimé que sur toute l’Europe en moyenne environ 2.3 gC m-2 an-1 sont importés d’un pays vers un autre et 4.4 gC m-2 an-1 sont exportés d’un pays vers un autre ou vers la mer, entraînant pour l’Europe, un budget net de C dans les rivières (RNCB) de 2.1 gC m-2 an-1. A l’exception des Pays-Bas, du Portugal, de l’Estonie et de l’Ukraine, tous les pays ont un RNCB positif, ils exportent plus de C qu’ils n’en n’importent dû aux apports de C des terres vers les rivières au sein du pays lui-même. J’ai comparé le RNCB avec d’autres composants du budget national de C et plus particulièrement aux flux latéraux de C attribués aux échanges de récoltes de bois et d’agriculture entre pays. J’ai montré que la moitié des pays européens ont un RNCB qui vaut plus de 10% que les échanges de récoltes et un quart plus de 30% montrant que le RNCB devrait être intégré dans les budgets nationaux de C. Dans le futur, notre méthodologie pourrait être appliquée à d’autres régions du globe et uniquement sur la partie anthropogénique du RNCB.
Since the industrial revolution, emissions of carbon dioxide (CO2) due to human activities have drastically increased carbon concentration in the atmosphere, perturbing the natural cycle of carbon (C). This increase directly impacts Earth climate and has numerous consequences such as increase of air temperature, modification of the oceanic circulation and sea-level rise. As a response to this anthropogenic perturbation, oceans and the land biosphere have seen their C stocks increase, thereby acting as important mitigators of climate change. The quantification and the understanding of the spatio-temporal variability of those ocean and terrestrial C sinks are thus essential. Part of the terrestrial C fixed by photosynthesis is however not stored in-situ but is instead transferred to the inland waters. This terrestrial C loss occurs through leaching of dissolved organic C (DOC) and dissolved inorganic C (DIC) and through erosion of particulate organic C (POC). During transit, C can be mineralized and re-emitted back to the atmosphere in the form of CO2 and methane (CH4) or buried in the sediments, the leftovers being exported to the ocean. However, the quantification and spatio-temporal variability of these processes are not yet fully understood and remain poorly constrained. In my thesis, I used three different methods to improve our understanding if the C dynamics in the European inland waters, with a focus on the fate of DOC in the river network.Firstly, I evaluated and applied the land surface model ORCHILEAK at the European scale with the aim to investigate the present-day spatio-temporal variability of DOC leaching from land to river. To my knowledge, this is the first pan-European assessment of DOC fluxes through the land-inland water interface. The model performance is evaluated against the observations of DOC leaching, of DOC fluxes and DOC reactivity in rivers, providing evidence that our simulated DOC leaching fluxes are realistic. I estimated that around 14.3 TgC is leached each year from land to the European river network, a flux representing about 0.6% of the terrestrial net primary production (NPP). I also observed a large spatio-temporal variability in this leaching flux, with a maximum in winter and a minimum in summer with the exception of Nordic regions where the maximum occurs in spring after the snow melt. I investigated the relationship between DOC leaching and different environmental drivers and my results showed that the fraction of NPP leached as DOC is mainly controlled by the surface runoff and by the ratio of surface runoff to drainage temperature only playing a secondary role.Secondly, I’ve sampled the Meuse river catchment in France and Belgium in order to study the biodegradation of DOC in a temperate river basin. To achieve this goal, I carried out monthly scale experiments in laboratory and investigated how the decay rate constant (k) of the DOC degradation varies across seasons, land cover types and quality of the organic matter (OM). The OM quality was assessed using the specific ultraviolet absorbance at 254nm (SUVA index), which is a measure of the degree of its aromaticity. The DOC biodegradation was modeled using a first order kinetic (FO), a first order kinetic with a non-degradable pool (FOR) and a reactive continuum (RC) representation. I demonstrated that the FO method does not allow to capture the evolution of DOC concentration at the monthly timescale. In contrast, the FOR method captures well the degradation kinetics and I estimated a DOC half-life time of around 10 days, a value slightly inferior to the average water residence time of the Meuse, estimated at 24 days for the entire catchment, suggesting that the major part of the DOC will be decomposed before reaching the sea. However, the observed variability in kinetic constants could not be explained by the potential drivers investigated (season, land cover type, SUVA). The RC method fitted the kinetic experiments equally well, and I calculated a initial k value with this model of around 0.02 day-1, yet with significant variability. This variability in k values could also not be related to season or land cover types, but a significant correlation (R2 =0.5) was found between the kinetic constant of the RC model and SUVA, suggesting that this easy-to-measure index could be used as a proxy for DOC degradability. Thirdly, using literature data, I built a full C budget for European inland waters and investigated the extent to which transnational C transfers via the river network may impact national C budgets and inventories. A methodology was developed for the quantification of lateral C transfers through country borders and I estimated that over all Europe, on average 2.3 gC m-2 yr-1 are imported from one country to another and 4.4 gC m-2 yr-1 are exported to another country or to the sea, leading to a river net carbon balance (RNCB) for the EU of 2.1 gC m-2 yr-1. With the exception of the Netherlands, Portugal, Estonia and Ukraine, all other countries have a positive RNCB meaning that they export more C than they import as a result of the land-to-inland water C inputs within the country’s boundaries. I compared the RNCB with other component of the national C budget and more particularly to the lateral C flux attributed to wood and crop harvest trades between countries. I showed that the RNCB reaches more than 10 % of the harvest trades for half the EU countries and more than 30% for a quarter of the countries, suggesting that the RNCB should be accounted for in national C budget. In the future, our methodology could be applied to other regions of the globe and to the sole anthropogenic part of the RNCB.