Résumé : IntroductionL’anémie de la grossesse constitue un problème de santé publique, en particulier dans les pays à faible revenu. Selon les estimations faites par l’Organisation Mondiale de la Santé en 2016, la prévalence de l’anémie de la grossesse variait de 16,16 % aux Etats-Unis à 62,96 % au Yémen. Le continent africain et le sud de l’Asie étaient les parties du monde ayant les plus fortes prévalences. En Afrique de l’Ouest les prévalences de l’anémie de la grossesse variaient de 42,92 % au Cap Vert à 61,36 % au Togo. Au Burkina Faso, selon les résultats de la dernière enquête démographique et de santé de 2010, la prévalence de l'anémie de la grossesse était de 58 %. Partant de l’hypothèse d’une faible qualité de la prévention et de la prise en charge de l’anémie de la femme enceinte, un projet de recherche a été mis en œuvre au Burkina Faso. Ce projet dont le rapport fait l’objet de la présente thèse, a permis de mesurer la prévalence de l’anémie de la grossesse et de tester des stratégies pour la réduire.MéthodesLa région des Cascades à l’ouest du Burkina Faso a été choisie par commodité pour les besoins de la recherche, et en particulier parce qu’elle présentait des indicateurs de couverture sanitaire, notamment obstétricale, proches des moyennes nationales en 2012. Deux études de base ont permis : i) d’actualiser la prévalence de l’anémie de la grossesse au Burkina Faso et d’en identifier les facteurs associés ; ii) de décrire l’organisation et la qualité de la prévention et de la prise en charge de l’anémie de la grossesse tout au long de la pyramide sanitaire. Une troisième étude a utilisé les résultats des études de base pour mettre en œuvre un essai communautaire randomisé, visant la réduction de la prévalence de l’anémie de la grossesse.RésultatsLa prévalence de l’anémie de la grossesse dans la région des Cascades était élevée (58,9 %), et beaucoup plus dans le district de Banfora, chez les femmes au foyer, dans l’ethnie mossi, chez les multigestes et chez les épouses des agriculteurs et artisans ; cependant, elle était moins fréquente chez les femmes qui consommaient de la bière locale de mil. Le dépistage biologique de l’anémie de la grossesse n’était pas réalisé lors des contacts de soins prénataux.Les connaissances des agents professionnels de santé sur la prévention de l’anémie de grossesse étaient « suffisantes » dans 25 % des cas et celles des agents de santé communautaires étaient « acceptables » dans 33,8 % des cas. Ni le nombre ni la diversité des thèmes de formation continue et des informations reçues n’étaient associés à ces niveaux de connaissances. Les agents professionnels de santé des hôpitaux et en particulier, ceux ayant été formés sur la prévention de la transmission mère-enfant du virus de l’immunodéficience humaine ainsi que les agents de santé communautaire ayant été scolarisés avaient les meilleurs niveaux de connaissances. La qualité de la prise en charge de l’anémie de la grossesse était bonne ou acceptable dans 65,0 % des cas ; elle était meilleure dans les cas urgents admis d’une évacuation sanitaire et plus faible pour les femmes au premier trimestre de grossesse et dans les cas d’anémie sévère. Parmi les cas d’anémie de la grossesse admis en hospitalisation, il y avait 27,5 % de cas sévères ; les facteurs associés à l’anémie sévère étaient le jeune âge, l’âge gestationnel moins avancé, la résidence en milieu rural, le faible niveau de revenu et l’antécédent de paludisme durant la grossesse. Les signes cliniques associés à l’anémie sévère étaient la pâleur conjonctivale, les œdèmes des membres inférieurs, la baisse de la tension artérielle diastolique, la tachycardie, l’asthénie et les vertiges.L’issue d'hospitalisation des femmes enceintes anémiées était moins favorable pour les femmes du milieu rural, dans les cas de référence ou d’évacuation, chez les femmes au premier ou deuxième trimestres de grossesse et dans les cas d’anémie sévère ou modérée ; aussi, l’insuffisance de prévention de l’anémie de la grossesse dans les formations sanitaires périphériques et la faible qualité de sa prise en charge dans les hôpitaux exposaient les femmes enceintes à des issues défavorables d’hospitalisation.Un soutien personnalisé de femme enceinte à domicile, associé à des soins prénataux appropriés, a permis de réduire la prévalence de l'anémie de la grossesse de 19,8 % de son niveau de base en milieu rural. L’intervention a permis une réduction de la mortinatalité de 9,67 % et de l’anémie du postpartum immédiat de 20,42 %.ConclusionL’anémie de la grossesse et ses conséquences néfastes sont fréquentes au Burkina Faso. Les stratégies pour réduire leurs prévalences doivent intégrer le dosage systématique du taux d'hémoglobine chez la femme enceinte, le renforcement des compétences du personnel et de l’action communautaire, sur les mesures de prévention et de prise en charge de l’anémie de la grossesse.
IntroductionAnemia in pregnancy is a public health problem, particularly in low-income countries. According to estimates made by the World Health Organization in 2016, the prevalence of anemia in pregnancy ranged from 16.16% in the United States to 62.96% in Yemen. The African continent and South Asia were the parts of the world with the highest prevalence. In West Africa the prevalence of anemia in pregnancy ranged from 42.92 percent in Cape Verde to 61.36 percent in Togo. In Burkina Faso, according to the results of the latest 2010 Demographic and Health Survey, the prevalence of anemia in pregnancy was 58 percent. Based on the hypothesis of low quality prevention and management of anemia in pregnant women, a research project was implemented in Burkina Faso. This project, the report of which is the subject of this thesis, made it possible to measure the prevalence of anemia in pregnancy and to test strategies to reduce it.MethodsThe Cascades region in western Burkina Faso was chosen for the convenience of the research, and in particular because it had indicators of health coverage, especially obstetric coverage, close to national averages in 2012. Two baseline studies made it possible to: i) update the prevalence of anemia of pregnancy in Burkina Faso and identify the associated factors; ii) describe the organization and quality of prevention and management of anemia in pregnancy throughout the health pyramid. A third study used the results of the baseline studies to implement a randomized community trial aimed at reducing the prevalence of anemia in pregnancy.ResultsThe prevalence of anemia in pregnancy in the Cascades region was high (58.9%), and much higher in the Banfora district, among housewives, ethnic Mossi, multigravidas and wives of farmers and artisans; however, it was less common among women who consumed local millet beer. Biological screening for anemia in pregnancy was not carried out at antenatal care contacts.The knowledge of professional health workers on the prevention of anemia in pregnancy was "sufficient" in 25% of cases and that of community health workers was "acceptable" in 33.8% of cases. Neither the number nor the diversity of continuing education topics and information received was associated with these levels of knowledge. Professional health workers in hospitals and, in particular, those who had been trained in the prevention of mother-to-child transmission of the human immunodeficiency virus, as well as community health workers who had attended school, had the highest levels of knowledge. The quality of management of anemia in pregnancy was good or acceptable in 65.0 percent of cases; it was better in urgent admitted cases of medical evacuation and lower for women in the first trimester of pregnancy and in cases of severe anemia. Of the cases of anemia in pregnancy admitted to hospital, 27.5 percent were severe; factors associated with severe anemia were young age, lower gestational age, rural residence, low income, and history of malaria during pregnancy. Clinical signs associated with severe anemia were conjunctival pallor, edema of the lower limbs, decreased diastolic blood pressure, tachycardia, asthenia, and dizziness.The hospitalization outcome of anemic pregnant women was less favorable for rural women, in cases of referral or evacuation, in women in the first or second trimester of pregnancy, and in cases of severe or moderate anemia; also, the insufficient prevention of anemia in pregnancy in peripheral health facilities and the poor quality of its management in hospitals exposed pregnant women to unfavorable hospitalization outcomes.A personalized support for pregnant women at home, combined with appropriate prenatal care, reduced the prevalence of anemia in pregnancy by 19.8% of its basic level in rural areas. This intervention reduced stillbirths by 9.67 percent and immediate postpartum anemia by 20.42 percent.ConclusionThe prevalence of anemia in pregnancy and its consequences are high in Burkina Faso. Strategies to reduce them must include routine testing of hemoglobin levels in pregnant women, strengthening staff skills and community action on measures to prevent and manage anemia in pregnancy.