Communication à un colloque
Résumé : Les résultats de l’analyse critique du discours indiquent que l’introduction des NWOW et d’autres dispositifs similaires dans les organisations publiques et privées a un impact sur la compréhension que les individus ont d’eux-mêmes, de leurs collègues et de leur travail. La nature exacte de cet impact dépend des logiques interprétatives sur lesquelles s’appuient les employé·e·s pour donner sens aux NWOW. Notre analyse permet d’identifier sept logiques: (1) une logique néolibérale qui met l’accent sur le management par résultats et le management de soi; (2) une logique humanisante qui valorise le bien-être au travail; (3) une logique expressive/consultative qui souligne l’importance d’écouter et de consulter les employé·e·s lors de la transition vers et l’évaluation des NWOW; (4) une logique participative au niveau de l’équipe, qui valorise la prise de décision collective à l’échelle de l’équipe; (5) une logique pseudo-participative qui critique les décisions autocratiques dans la transition vers une culture NWOW; (6) une logique d’autorité qui valorise le leadership par l’exemple et accepte un certain degré de décision unilatérale; et (7) une logique de service public de qualité selon laquelle le travail de bureau doit se concevoir comme un service de qualité rendu à des “citoyen·ne·s” plutôt qu’à des “client·e·s”. Tant dans les organisations publiques que privées, on observe des interprétations variables quant aux effets positifs et négatifs des NWOW. Alors que certaines personnes reproduisent “simplement” le discours NWOW célébratoire, d’autres adoptent une position plus nuancée et critique, même si elles s’opposent rarement aux principes centraux des NWOW. Beaucoup d’informateurs et d’informatrices pointent les effets pervers réels et/ou potentiels des programmes NWOW sur le bien-être physique, psychologique et/ou social. Certain·e·s demandent une approche plus réaliste et pragmatique des NWOW. Nos informateurs et informatrices interrogent également la place des valeurs de consultation et de participation dans la transition vers les NWOW. Certain·e·s acceptent un style de leadership plus “autoritaire” dans certaines circonstances mais d’autres expriment un manque d’enthousiasme à l’égard des stratégies de management “pseudo-participatives” qui font peu de cas de ces valeurs censées être centrales dans les NWOW. Dans l’ensemble, toutefois, peu de critiques véritablement oppositionnelles sont exprimées. La plupart du temps, nos informateurs et informatrices soutiennent ou à tout le moins acceptent l’implémentation d’un programme NWOW. Lorsque des effets pervers sont pointés, ils sont perçus comme évitables, ne remettant pas en question les principes et objectifs des NWOW. La rareté des critiques vraiment oppositionnelles peut s’expliquer du fait que le discours NWOW s’articule autour d’un ensemble de valeurs ayant des connotations positives très fortes (“autonomie”, “confiance”, etc.). La promotion des NWOW met également en avant toute une série d’effets positifs des NWOW sur le bien-être des employé·e·s. Tout cela rend difficile la remise en question du discours NWOW célébratoire. Une autre raison derrière le succès de ce discours est l’opposition entre une “ancienne” et une “nouvelle” culture que l’on retrouve dans les propos de nombreuses personnes. Le “nouveau” travail de bureau est perçu comme une incarnation de valeurs “joyeuses” et de “compétences” telles que l’autonomie, la confiance ou la flexibilité. A l’inverse, dans l’“ancien” monde, l’individu est perçu comme un gratte-papier qui n’a pas d’autre choix que de s’adapter aux contraintes administratives ou bureaucratiques - ou quitter l’organisation. Cette opposition manichéenne entre deux types d’employé·e·s peut conduire les managers à sous-estimer les inquiétudes et difficultés qui se manifestent dans l’implémentation des NWOW dans les organisations publiques et privées. Lorsqu’elles sont invitées à parler des compétences requises dans le travail de bureau d’aujourd’hui, les personnes que nous avons rencontrées utilisent la notion de compétence d’une manière très générale, assimilant ces “compétences” à une série de valeurs abstraites plutôt qu’en les considérant comme des aptitudes pratiques ou des normes professionnelles, par exemple. Dans les propos de nos informateurs et informatrices, la notion de compétence est donc floue: elle peut désigner un savoir-faire technologique, une disposition à apprendre ou encore le fait d’être humble, flexible ou capable de s’adapter aux situations. L’interprétation de ces “compétences” varie en fonction de la logique interprétative mobilisée. Par exemple, les personnes qui s’appuient sur une logique humanisante tendent à conceptualiser les “compétences” NWOW en termes de compétences “douces” ou “sociales” comme “l’ouverture” et “la gentillesse”. Cependant, nous n’avons pas observé de luttes explicites quant à la significations des “compétences” dans nos entretiens, ce qui est une indication supplémentaire du caractère hégémonique du discours NWOW célébratoire. Même si les “compétences NWOW” sont floues, personne ne veut être vu·e comme incompétent·e. De ce point de vue, elles contribuent à légitimer les transformations NWOW du travail de bureau.