Résumé : La connaissance de l'abondance du monoxyde de carbone (CO) dans l'atmosphère de Mars est essentielle pour évaluer les processus qui régissent le cycle du carbone sur la planète. Les mesures d'occultation solaire fournissent des mesures verticalement résolues du CO de quelques kilomètres au-dessus de la surface à des altitudes plus élevées. Elles peuvent être complétées avantageusement par des mesures au nadir pour améliorer le suivi de la couche proche de la surface et la couverture spatiale des observations. Jusqu'à présent, dans l'infrarouge, les restitutions de CO à partir d'observations au nadir ont cependant été effectuées principalement sur des spectres moyens et seules les abondances estimées pour la colonne atmosphérique totale ont été obtenues.Dans ce travail, nous explorons la possibilité d'exploiter les mesures individuelles au nadir du spectromètre Planetary Fourier Spectrometer (PFS), à bord de Mars Express (MEX), dans la bande 1--0 du CO centrée à 2143 cm-1, et comprise dans le canal à courte longueur d'onde de PFS, pour restituer les profils verticaux de cette espèce. Plus précisément, l'objectif de ce travail vise à répondre aux questions suivantes: (1) Peut-on restituer des profils verticaux de CO dans la basse atmosphère de Mars à partir d'observations PFS individuelles au nadir ? Quelle est la sensibilité verticale de PFS et la fiabilité des restitutions ? (2) Quelle est la variabilité spatiale du CO à travers les différentes saisons sur Mars et comment cette espèce est-elle reliée à l'abondance du CO2 ?Notre travail étudie d'abord et pour la première fois la restitution des profils verticaux de CO dans la basse atmosphère de Mars à partir d'observations individuelles au nadir de PFS. Les restitutions sont effectuées pour un ensemble restreint de 16 spectres PFS sélectionnés avec des rapports signal/bruit élevés et en appliquant la méthode de l'estimation optimale (OEM) avec des contraintes appropriées, construites à partir de simulations de modèles de l'atmosphère martienne. Les profils restitués sont caractérisés en termes de sensibilité verticale et d'erreurs. Nous démontrons, en particulier, que les mesures PFS au nadir apportent des informations principalement sur la colonne de CO en dessous de 15 km d'altitude, avec une sensibilité maximale à l'atmosphère proche de la surface. Ces mesures permettent de réduire substantiellement l'incertitude préalable sur l'abondance du CO dans cette gamme d'altitude, avec une erreur totale de restitution sur le rapport de mélange volumique (VMR) moyen de la colonne totale estimée à environ 10 %. Nous montrons que l'ensemble des VMRs restitués se situe dans la gamme des valeurs rapportées par d'autres instruments. Les 16 spectres ayant été choisis pour représenter différentes latitudes et saisons, nous montrons que les VMRs associés montrent bien la variabilité spatiale et saisonnière connue du CO.L'analyse spatio-temporelle du CO est réalisée dans la deuxième partie du travail. Dans cet objectif, un sous-ensemble de plus de 100 000 mesures au nadir couvrant plus de 7 années martiennes (AM 26 à AM 33) enregistrées dans le canal à courte longueur d'onde de PFS (couvrant une gamme totale allant de 1787 cm-1 jusqu'à 8611 cm-1) est exploité pour étudier la distribution globale et le cycle saisonnier du CO sur Mars. La restitution des profils verticaux de CO est réalisée avec succès en utilisant la méthodologie développée dans la première partie du travail, mais le faible contenu en information est tel que nous discutons principalement de la variabilité du CO en termes de colonnes intégrées (de la surface à 24 km) ou de rapport de mélange de la colonne moyenne associée. Nos résultats montrent une forte saisonnalité du CO, en particulier aux latitudes moyennes et hautes, ce qui confirme les travaux récents d'autres équipes. Les connaissances actuelles des cycles de condensation/sublimation du dioxyde de carbone (CO2), tels qu'ils sont mis en oeuvre par exemple dans le modèle de circulation générale GEM-Mars (Global Environmental Multiscale) pour Mars, que nous utilisons comme base de comparaison sont également confirmées par nos résulats. Nous montrons une cohérence générale entre le modèle et les VMRs restitués, avec une tendance du modèle à surestimer les VMRs de CO, sauf aux basses latitudes. La distribution spatiale du VMR moyen de la colonne de CO est obtenue sur une base saisonnière et étudiée en termes de caractéristiques à grande échelle mais aussi de particularités locales. Enfin, nous montrons que les profils restitués présentent systématiquement de forts gradients verticaux de CO près de la surface aux latitudes moyennes et équatoriales, probablement liés à la sensibilité verticale de PFS plutôt qu'à un réel enrichissement en CO près de la surface.